La mort bleue
*
â Je me demande bien ce quâils font! maugréa Ãdouard.
Depuis le début du petit déjeuner, il avait déjà consulté sa montre trois fois.
â Poses-tu la question sérieusement? demanda Ãvelyne en ouvrant de grands yeux.
â ⦠Que veux-tu dire?
â Ton père et ta mère tardent à descendre de leur chambre à coucher, et tu ne sais pas ce quâils font?
Elle eut envie de dire encore : « Sans doute ce qui ne semble plus tâintéresser depuis quelques semaines. à tout le moins, avec moi. » Elle se retint à temps, car son époux lui faisait déjà mauvaise figure depuis le dimanche précédent.
â Je vais monter⦠déclara-t-il, en sâessuyant la bouche avec sa serviette.
â Tu nây penses pas?
La démarche lui paraissait à la fois indélicate et ridicule.
â Je dois laisser la voiture au garage pour faire repeindre lâaile égratignée. Il pourrait me conduire.
â Au lieu de les embêter, appelle un taxi. Si tu ne te souviens pas comment faire, je vais mâen charger.
Un homme un peu plus subtil aurait perçu la pointe de jalousie dans la voix. Thomas montrait plus dâattention pour sa femme après vingt-deux ans de mariage que son fils après un seul. Il préféra la prendre au pied de la lettre en disant :
â Non, ce ne sera pas nécessaire, je vais mâen occuper.
Ãvelyne le regarda quitter la pièce, un peu lasse.
* * *
Lâatmosphère se révélait plus détendu à lâétage. Ãlisabeth ramenait le drap sur son corps en riant :
â Tu as dû faire de curieux rêves pour te réveiller avec un pareil appétit.
En bonne institutrice, elle savait maintenir la motivation de son élève en lui réservant des moments de détente après une période dâefforts intenses. Lâhomme à ses côtés offrait une silhouette plus mince, un visage serein, reposé. Ces heureux résultats couronnaient des privations sérieuses. Le déposséder des « avantages légitimes du mariage » ne ferait que le décourager.
â Je rêve à toi. Ne le savais-tu pas?
La déclaration accentua la satisfaction de son épouse. Le docteur Hamelin se montrait encourageant. Après une discussion à mots couverts avec le praticien, elle voulait bien admettre que cette « petite fatigue » ne se comparait en rien à une trop longue journée au magasin ou à une campagne électorale mouvementée. Aussi la lui accordait-elle maintenant avec une charmante régularité.
â Tu rêves de moi? Après toutes ces années, dois-je te croire?
Le ton dâÃlisabeth ne trahissait pas le moindre doute. Elle se tourna sur le côté, son mouvement fit glisser la pièce de coton, découvrant un sein bien rond, coiffée dâune aréole dâun rose très pâle. Son époux en dessina la forme du bout de lâindex, agaça la pointe afin de la rendre un peu turgide.
â Tu ne penses pas recommencer?
â Pourquoi pas?
â Crois-tu que câest prudent?
â Alors, pour changer, tu viendras sur moi. Bien étendu sur le dos, cela ne me fera pas de mal. Cela ne mâépuisera pas plus quâun petit somme.
Il approcha sa bouche du mamelon, en parcourut la surface des lèvres, puis de la langue, avant de lâaspirer légèrement.
â Si tu ne te sens pas bien, tu vas me le dire?
Elle aussi se sentait inspirée par le magnifique soleil de juillet, la brise parfumée de lâodeur de lilas qui entrait par la fenêtre grande ouverte.
â Si nous ne recommençons pas, je me sentirai bien vite très mal.
Thomas encercla son corps de son bras, se retourna en lâattirant sur lui. Elle sentit le sexe de nouveau durci contre le bas de son ventre, posa ses genoux de part et dâautre des cuisses de son mari afin de ne pas laisser tout son poids reposer sur lui. Elle sâimmobilisa, songeuse, puis murmura :
â Ne devais-tu pas conduire Ãdouard au travail?
â Quâil marche.
â Voyons, tu lui as promis.
Thomas posa les deux mains sur les hanches de sa femme pour lâempêcher de se dérober, puis il déclara :
â Je suis sérieux, il peut marcher, appeler un taxi ou sâacheter une bicyclette. Il a été le seul
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