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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vers celui de droit. Un long moment, debout sur le trottoir, Thalie regarda le grand édifice flanqué de colonnes décoratives. Il se dégageait des lieux une impression de sévérité, de rigueur. Du haut des quelques marches conduisant aux portes massives, plusieurs jeunes hommes la contemplaient, un masque réprobateur sur le visage.
    â€” Voilà un mauvais comité d’accueil, constata-t-elle. Ou tu retournes à Québec afin de te dénicher un mari au plus vite ou tu entres!
    Ce résumé de l’alternative s’offrant à elle suffit à la rasséréner. D’un pas vif, elle gravit les marches, salua d’une inclination de la tête ceux qui seraient ses compagnons d’étude, poussa une lourde porte de chêne. L’huis se ferma dans son dos avec un bruit sourd.
    L’emplacement des principaux locaux d’enseignement était indiqué par de petites affichettes. Elle partit à la recherche de l’amphithéâtre C pour le découvrir bien vite au bout d’un couloir, au rez-de-chaussée. Derrière la porte, elle contempla les cinq rangées de fauteuils placés en arc de cercle. Le plan fortement incliné permettait à chacun d’avoir une vue parfaite sur une petite estrade. Quelques étudiants de première année, tous âgés d’environ vingt ans, occupaient une place. Leur jeunesse ne paraissait pas les rendre plus réceptifs à sa présence.
    Une seule autre jeune femme occupait un siège exactement au milieu de la salle. Thalie descendit quelques marches, alla occuper la place voisine. Sans se presser, en affectant une assurance factice, elle posa son sac sur la petite table vissée au plancher lui faisant face, le temps de prendre quelques feuilles de papier, une bouteille d’encre et un porte-plume. Au moment de s’asseoir, elle annonça :
    â€” Bonjour. Je m’appelle Thalia Picard.
    L’autre prit la main tendue, déclina son nom, puis fixa de nouveau ses yeux sur l’estrade. Dans le bref regard échangé, chacune avait eu le temps de voir chez l’autre la même inquiétude et la même résolution.
    Vingt minutes plus tard, un vieil homme descendit les marches jusqu’à l’estrade, posa son porte-documents sur le bureau avant de se tourner vers la quarantaine d’étudiants face à lui.
    â€” Messieurs, bienvenue au cours de biologie humaine. Comme vous le constatez, notre prestigieuse université a jugé bon de sacrifier à la nouvelle mode et de changer ses critères d’admission. Tâchons de ne pas nous laisser distraire par cette fantaisie. Un lourd travail nous attend.
    Tous les yeux se braquèrent sur les deux seules femmes, dont la présence irritait visiblement le professeur. Personne n’était venu occuper les sièges voisins des leurs, comme si elles présentaient un danger de contagion. Certains étudiants paraissaient carrément outrés de cette dangereuse innovation. D’autres esquissaient des sourires narquois qu’ils croyaient séducteurs. Sans doute espéraient-ils que des personnes suffisamment intrépides pour entreprendre des études universitaires seraient de surcroît habitées de pulsions libidineuses irrépressibles. Beaucoup de publications faisaient allusion à mots couverts à l’immoralité de ces « féministes » soucieuses d’échapper au rôle auquel Dieu et leur nature les confinaient.
    â€” Retournez à vos chaudrons! risqua quelqu’un.
    Thalie constata que sa voisine serrait les mâchoires, crispait ses doigts sur son porte-plume.
    â€” Et toi dans ta porcherie, rétorqua-t-elle assez fort pour être entendue de tous.
    â€” Mademoiselle, je n’accepterai pas ce langage ordurier, clama le professeur depuis son estrade.
    â€” Je vous remercie de constater ma présence et de reconnaître que je suis une femme. Tout à l’heure, j’ai craint d’être devenue invisible.
    Ils échangèrent un bref regard hostile. Puis, l’homme se tourna vers le tableau afin de prendre une craie, tout en commençant :
    â€” Messieurs, maintenant nous allons examiner l’appareil reproducteur de la femme. Ensuite, nous verrons celui de l’homme.
    La petite Canadienne française prit de quoi écrire, déplaça les quelques cheveux détachés de sa

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