La mort du Roi Arthur
décontenançait.
Lorsque, après le souper, on eut retiré les nappes, Arthur invita ses chevaliers à l’accompagner le lendemain matin dans la forêt. Lancelot lui dit alors : « Roi, j’irai volontiers avec toi. – Non pas, seigneur Lancelot, répondit Arthur. Pour cette fois, j’ai assez de chevaliers autour de moi. Repose-toi donc des fatigues du dernier tournoi. » Lancelot comprit parfaitement que le roi était de fort méchante humeur, et ce par sa propre faute, apparemment. Mais il s’interrogeait vainement sur ses torts éventuels et sur ce qu’il considérait comme une disgrâce. Cependant, l’heure du coucher venue, il regagna, en compagnie de Bohort, le logis où Gahériet l’avait invité.
Une fois arrivé, il dit à Bohort : « As-tu remarqué quelle froideur m’a témoignée le roi ? Je le suppose fâché contre moi, mais je me demande pour quelle raison ! – Lancelot, répondit Bohort, tu es bien naïf. Il est certain qu’il a eu vent de tes relations avec la reine. Prends bien garde à tes moindres gestes, car nous risquons un conflit qui ne prendra jamais fin. – Mais qui donc aura pu lui parler de cette affaire ? – S’il s’agit d’un homme, affirma Bohort, il ne peut être qu’Agravain qui te hait et te jalouse à un point que tu n’imagines même pas. Et s’il s’agit d’une femme, Morgane est celle-là, qui de longue date veut se venger du mépris dans lequel tu l’as toujours tenue. Sois prudent, Lancelot, ne te fie à personne d’autre qu’à moi, car j’ai bien l’impression que l’on nous surveille. »
Le lendemain, à la jeunesse du jour, Gauvain dit à Lancelot : « Gahériet et moi allons dans la forêt en compagnie du roi. Te joins-tu à nous ? – Je crois que le roi n’y tient pas. Je resterai ici avec Bohort et Hector. » Gauvain et Gahériet s’en allèrent donc rejoindre Arthur qui se préparait pour la chasse. Mais dès que celui-ci fut parti, la reine Guenièvre dépêcha un messager à Lancelot, lequel était encore couché, pour lui dire de ne pas manquer à venir la rejoindre. Ce dont Lancelot se réjouit fort, tant le brûlait le désir d’aller voir la reine.
Cependant, les paroles de Bohort lui revinrent en mémoire : il devait se méfier et prendre garde qu’on ne l’aperçût. Aussi pria-t-il son cousin de le conseiller en telle occurrence. « N’y va pas ! répondit Bohort. C’est beaucoup trop dangereux. – Tu sais bien que je ne saurais résister, lui dit Lancelot. Du reste, je serais bien sot si je ne profitais de l’absence du roi ! – Eh bien ! reprit Bohort, si tu ne peux t’en priver, alors, hâte-toi, mais il n’en résultera rien de bon, mon cœur me le dit, qui pourtant ne s’est jamais alarmé pour toi ! Enfin, si tu persistes malgré tout dans ton intention, passe, si tu m’en crois, par ce jardin : il s’étend jusque sous les fenêtres de la chambre de la reine, et tu ne saurais emprunter de chemin plus tranquille car personne n’y va jamais. Cependant, si tu ne veux pas que je meure d’angoisse, prends ton épée, je t’en supplie ! »
Suivant point par point les recommandations de Bohort, Lancelot s’engagea donc dans le sentier qui menait à la maison du roi. Mais Agravain, qui avait disposé des sentinelles un peu partout, en fut immédiatement averti et, depuis l’une des fenêtres qui donnaient sur le jardin, l’aperçut s’approcher de la tour en se cachant dessous les arbres. Alors, réunissant ses hommes, il leur dit : « Le voici. Prenez garde qu’il ne nous échappe ! » Ils répondirent en ricanant qu’une fois tout nu dans le lit de la reine, Lancelot ne pourrait plus se tirer du piège. Alors, une grande joie envahit Agravain qui, d’avance, se délecta du moment qui verrait sa haine assouvie pleinement.
Cependant, quand Lancelot eut pénétré dans le manoir du roi, il en ferma soigneusement la porte derrière lui afin de ne pas éveiller le moindre soupçon. Puis, allant jusqu’à la chambre de Guenièvre, il s’y dévêtit et se glissa près de la reine. Éperdu de désir, il étreignit celle-ci avec fougue et se livrait avec elle aux plus ardentes des joutes d’amour quand se présentèrent à la porte les gens qu’Agravain avait chargés de les surprendre. Mais trouvant cette porte fermée, ils interrogèrent Agravain sur la marche à suivre, et il leur ordonna d’enfoncer la porte.
Au fracas que cela fit, Guenièvre s’arracha des bras de
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