La mort du Roi Arthur
de questions « Alors ? Quelles nouvelles ? – Mauvaises, avoua-t-il. La reine a été condamnée à mort, et ce que vous voyez dresser là, c’est le bûcher où l’on s’apprête à la brûler. – Seigneurs ! s’écria Lancelot, tous à cheval ! Tel qui pense la faire mourir risque de mourir avant elle ! Et si jamais Dieu entendit prière de pécheur, puisse-t-il exaucer la mienne et me faire d’abord rencontrer Agravain qui m’a bâti cette querelle ! » Sans perdre de temps, tous sautèrent sur leurs montures et, empoignant lances et boucliers, se tinrent prêts à intervenir. Et, bientôt, ils aperçurent, sortant de la forteresse, une troupe de chevaliers qui, entourant la reine, lui faisaient escorte vers le bûcher. Alors, sur l’ordre de Lancelot, ils éperonnèrent leurs chevaux et se ruèrent dans la prairie, bien décidés à sauver la reine.
En les voyant se précipiter de la sorte, les gens d’Agravain crièrent ensemble : « C’est Lancelot ! Fuyons ! » Mais ils n’eurent guère le loisir de réagir. Lancelot, qui allait en tête, galopa du côté où il avait repéré Agravain. « Lâche ! Traître ! cria-t-il, tu vas mourir ! » Et il le frappa si violemment de sa lance que celle-ci lui traversa le bouclier et se brisa dans sa poitrine, le précipitant à terre sans vie et sans mouvement. Bohort, lui, s’était élancé de toute la vitesse de sa monture sur Gareth, et il eut tôt fait de le renverser et de l’étendre mort sur l’herbe de la prairie. Les autres, alors, commencèrent à se battre à l’épée, et la mêlée devint générale.
En s’apercevant que deux de ses frères étaient morts, Gahériet éprouva tant d’affliction qu’il se jeta sur Meliadus le Noir, lequel faisait de son mieux pour seconder Lancelot et délivrer la reine, et le frappa si violemment qu’il l’abattit au milieu du bûcher. Là-dessus, il mit la main à l’épée, en homme de grand courage, et atteignit un autre chevalier qu’il renversa aux pieds de Lancelot. Hector, qui se tenait sur ses gardes, aperçut Gahériet et se dit en lui-même : « Si celui-ci vit plus longtemps, il nous en cuira fort, car c’est un homme de grande valeur. Mieux vaut le tuer plutôt que de lui laisser faire plus de mal qu’il ne nous en a fait. » Il se précipita alors contre lui, l’épée au clair, et l’en frappa si fort qu’il lui arracha le heaume de la tête. Gahériet, se sentant désarmé, en demeura transi d’effroi. Or, Lancelot, qui parcourait les rangs des combattants, ne le reconnut pas et, d’un coup terrible, lui fendit la tête jusqu’aux dents.
Quand les chevaliers d’Arthur virent Gahériet tomber, ils perdirent tout leur courage. De quarante, ils n’étaient plus que trois, soit Mordret et deux compagnons de la Table Ronde. Aussi n’insistèrent-ils pas et prirent-ils la fuite, abandonnant le terrain à Lancelot et à ses gens. Lancelot se hâta d’aller vers la reine. « Dame, dit-il, qu’allons-nous faire de ta personne ? » Tout heureuse de sa délivrance, elle répondit : « Lancelot, je voudrais que tu me conduises en un lieu où le roi n’aura plus de pouvoir sur moi. – Fort bien. Tu vas monter sur un palefroi et nous suivre dans la forêt. Là, nous examinerons quel parti prendre. »
La reine ne fut donc pas plutôt en selle qu’ils se réfugièrent dans la forêt, s’y enfonçant au plus profond avant de s’arrêter dans une clairière. Alors seulement, ils s’aperçurent qu’ils avaient perdu trois des leurs et s’interrogèrent mutuellement sur leur sort. « Par ma foi, dit Hector, j’en ai vu tomber de la main de Gahériet. – Comment ? s’étonna Lancelot. Gahériet participait au combat ? – Certes, répondit Bohort, et je m’étonne que tu le demandes, alors que tu lui as toi-même fendu le crâne ! – Effectivement, ajouta Hector, c’est toi qui l’as tué au moment où j’allais le faire. – Par Dieu tout-puissant ! s’écria Lancelot, je ne le savais pas, je vous jure, je ne l’avais pas reconnu ! Quel malheur ! Nous pouvons être sûrs que le roi ne nous pardonnera jamais cette mort, Gauvain non plus, qui aimait tant son frère. Hélas ! une guerre va commencer qui ne finira jamais ! »
Fort attristé de la fin de Gahériet, lequel était l’un des chevaliers qu’il aimait le plus, Lancelot se mit à pleurer. « Ah ! Dieu ! soupira-t-il, si au moins je l’avais reconnu, je l’aurais épargné
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