La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
Troyens en fuite et Hector gisant
dans la plaine. Il comprit tout clairement et sa fureur se tourna contre Héra.
« Ceci est ton œuvre », dit-il, « le résultat de tes manœuvres
tortueuses, cauteleuses. » Il inclinait à lui donner sur-le-champ une
bonne correction. Lorsqu’il en venait à ce genre d’arguments, Héra se savait impuissante.
Promptement, elle nia être pour quoi que ce fût dans la défaite des Troyens ;
toute la faute en revenait à Poséidon, dit-elle, et de fait, contrairement aux
ordres de Zeus, le dieu de la Mer avait bien aidé les Grecs, mais seulement
parce qu’elle l’en avait prié. Zeus se sentit toutefois assez soulagé d’avoir
ainsi une excuse qui le dispensait de porter la main sur elle. Il la renvoya
dans l’Olympe et il chargea Iris, la messagère à l’arc-en-ciel, de transmettre
à Poséidon l’ordre de quitter le champ de bataille. Le dieu marin obéit de
mauvaise grâce et une fois de plus, la fortune des armes tourna contre les
Grecs.
Apollon, ayant ranimé Hector défaillant, lui avait insufflé
une vigueur nouvelle. Devant ces deux-là – le dieu et le héros –, les Grecs n’étaient
plus qu’un troupeau de moutons apeurés, chassés par des lions de montagnes. Ils
couraient en désordre vers les vaisseaux et le mur qu’ils avaient élevé pour
les défendre tomba comme ces fortifications que les enfants bâtissent dans le
sable puis piétinent en jouant. Les Troyens s’étaient à ce point rapprochés des
navires qu’ils auraient presque pu y mettre le feu. Les Grecs, désespérés, ne
pensaient plus qu’à mourir bravement.
Patrocle, l’ami tant aimé d’Achille, observait la déroute
avec horreur. Fût-ce pour l’amour d’Achille, rester loin du combat lui parut
insupportable. « Tu peux nourrir ta colère pendant que tes concitoyens se
font tailler en pièces, mais pas moi ! » cria-t-il à son ami. « Donne-moi
ton armure. S’ils me prennent pour toi, peut-être les Troyens s’arrêteront-ils
un instant et les Grecs auront ainsi le temps de se reprendre. Toi et moi
sommes dispos, nous pouvons encore repousser l’ennemi. Mais si tu t’obstines à
bercer ton courroux, prête-moi au moins ton armure. » Comme il parlait, l’un
des vaisseaux grecs prit feu. « Ils pourraient de cette façon couper la
retraite aux Grecs », dit Achille. « Va, prends mon armure et mes
hommes aussi, et défends les bateaux. Je ne puis y aller, je suis un homme
déshonoré. Je combattrai pour mes propres navires, si la bataille s’en approche.
Mais je ne combattrai pas pour des hommes qui m’ont déshonoré. »
Patrocle revêtit l’armure splendide d’Achille que tous les
Troyens connaissaient et craignaient, puis il mena les Myrmidons, les hommes d’Achille,
au cœur de la bataille. Dès le premier assaut de cette troupe nouvelle de
guerriers, les Troyens vacillèrent ; ils les croyaient conduits par
Achille. Et pendant un moment, Patrocle combattit tout aussi glorieusement que
l’aurait fait le grand héros lui-même. Mais il se trouva bientôt face à face
avec Hector et son destin fut alors aussi sûrement scellé que celui d’un
sanglier qui rencontrerait un lion. La lance d’Hector lui porta une blessure
fatale et son âme quitta son corps pour descendre dans le Hadès. Alors Hector, ôtant
sa propre armure, prit celle qui recouvrait Patrocle et s’en revêtit. On eût
dit qu’il empruntait en même temps la force d’Achille, car nul parmi les Grecs
ne parvint plus à lui résister.
Le soir tomba, qui met fin aux batailles. Assis sous sa
tente, Achille attendait le retour de Patrocle. Mais à sa place il vit venir à
lui, en courant, le fils du vieux Nestor, Antiloque aux pieds légers, qui
pleurait des larmes brûlantes : « Amères nouvelles », cria-t-il,
« Patrocle est tombé et Hector porte son armure ». Le chagrin s’empara
d’Achille, tellement violent que tous ceux qui l’entouraient craignirent pour
sa vie. Du fond des grottes marines, sa mère vit son désespoir et elle se hâta
d’accourir pour tenter de le réconforter. « Je ne veux plus vivre parmi
les hommes si Hector ne me paie pas de sa mort celle de Patrocle », lui
dit-il. Alors Thétis, tout en larmes, lui rappela qu’il était lui-même voué à
mourir aussitôt après Hector. « Qu’il en soit ainsi pour moi, qui n’ai pas
su secourir mon ami lorsqu’il en avait si grandement besoin », répondit
Achille. « Je tuerai le meurtrier de
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