La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
l’assiégeaient, la ville
semblait toujours aussi forte ; ses murs étaient intacts, jamais ils
n’avaient subi un véritable assaut. Pour la plus grande part, les combats
s’étaient déroulés à distance, dans la plaine. Les Grecs devaient donc trouver
un moyen de pénétrer dans la cité, sinon il ne leur restait plus qu’à accepter
leur défaite. La conclusion de cette détermination et de cette vue nouvelle fut
le stratagème du cheval de bois. C’était, on s’en doute, une création de
l’esprit inventif d’Odysseus.
Sur ses indications, un artisan habile construisit un
immense cheval de bois dont le corps était creux et si grand qu’une troupe
d’hommes pouvait s’y loger. Ensuite il persuada – non sans peine – quelques
Chefs de s’y dissimuler, lui-même étant du nombre, bien entendu. À l’exception
du fils d’Achille, Pyrrhus ou Néoptolème, tous se sentaient épouvantés, et en
vérité le risque n’était pas mince. D’après le plan prévu, tous les autres
Grecs devaient lever le camp et apparemment mettre à la voile, mais en réalité
ils se cacheraient aux yeux des Troyens derrière l’île la plus proche où quoi
qu’il arrive, ils seraient à l’abri ; si la ruse venait à être éventée,
ils pourraient appareiller et rentrer en Grèce. Mais dans ce cas, les hommes
enfermés dans le cheval mourraient certainement.
On peut être assuré que ce fait n’avait pas échappé à
Odysseus. Son projet était de laisser un unique Grec dans le camp déserté.
L’homme, auquel au préalable on aurait bien fait la leçon, persuaderait les
Troyens de tirer le cheval dans la cité — sans l’inventorier. Alors, au
plus profond de la nuit, les Grecs devaient quitter leur prison de bois et ouvrir
les portes de la ville à l’Armée qui, ayant eu tout le temps de ramener ses
bateaux, attendrait à ce moment devant la muraille.
Une nuit vint, pendant laquelle le plan fut mis à exécution.
Et l’aube du dernier jour de Troie se leva. Du haut des murs, les guetteurs
troyens n’en crurent pas leurs yeux. Deux spectacles insolites s’offraient à
eux, aussi stupéfiants l’un que l’autre. L’image immense d’un cheval se
dressait devant la porte de la cité, une chose comme personne n’en avait jamais
vue, une apparition tellement étrange qu’elle en devenait vaguement
terrifiante, alors même qu’aucun son ni mouvement n’en provenait. Nul son ni
mouvement en quelque endroit que ce soit, d’ailleurs. Le camp bruyant des Grecs
était silencieux ; plus rien n’y bougeait. Et les vaisseaux étaient
partis. Une seule conclusion semblait possible : les Grecs avaient abandonné
la partie. Ils faisaient route vers la Grèce, acceptant leur défaite. Troie
tout entière exulta. La longue guerre avait pris fin et avec elle ses
souffrances.
Le peuple se pressa en masse dans le camp grec
abandonné ; ici Achille avait si longtemps boudé ; là se dressait la
tente d’Agamemnon ; là encore, les quartiers de ce fourbe, Odysseus. Quel
ravissement de voir ces lieux enfin vides, sans rien y trouver à
craindre ! Lentement, ils revinrent aux murs, jusqu’à l’endroit où se
dressait ce monstre, le cheval de bois, et ils l’entourèrent, se demandant ce
qu’ils allaient en faire. Alors le Grec qui avait été laissé dans le camp se
montra. Son nom était Sinon et c’était un orateur des plus spécieux. Il fut
saisi, entraîné devant Priam, pleurant et protestant qu’il souhaitait n’être
plus Grec. L’histoire qu’il raconta était un chef-d’œuvre de plus à l’actif
d’Odysseus. Pallas Athéna, dit Sinon, s’était montrée excessivement irritée du
vol du Palladium et les Grecs épouvantés avaient demandé à l’oracle comment ils
pourraient l’apaiser. L’oracle avait répondu : « Pour venir jusqu’à
Troie, vous avez calmé les vents avec du sang et la mort d’une jeune fille.
Avec du sang, vous obtiendrez votre retour. En sacrifice d’expiation, offrez
une vie grecque. » Et c’était lui, Sinon, qui avait été choisi comme
victime propitiatoire, dit le conteur à Priam. Tout était prêt pour le rite affreux
qui aurait dû se dérouler juste avant le départ des Grecs, mais à la faveur de
la nuit il avait pu s’échapper et tapi dans un fossé, il avait vu les vaisseaux
faire voile.
C’était un bon récit et pas un instant les Troyens ne le
mirent en doute. Ils plaignirent Sinon et l’assurèrent qu’ils le recevraient
parmi
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