La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
son navire quitta Troie, de nombreux Troyens se
joignirent à lui. Tous désiraient ardemment trouver un endroit où s’établir,
mais aucun ne s’en faisait une idée bien précise. Ils tentèrent plusieurs fois
d’élever une cité, mais toujours ils durent s’éloigner, chassés par des
calamités ou des mauvais présages. Au cours d’un rêve, Enée apprit enfin que le
lieu qui leur était destiné était une contrée fort éloignée vers l’ouest, l’Italie
— alors appelée Hespérie, ou Pays de l’Occident. Ils se trouvaient alors
dans l’île de Crète, et bien que la terre promise ne pût être atteinte qu’après
un long voyage sur des mers inconnues, ils se réjouirent de cette assurance de
posséder un jour une patrie et ils mirent aussitôt à la voile. Toutefois, il
leur fallut longtemps pour parvenir au port tant désiré, et leur ardeur aurait
peut-être été freinée s’ils avaient pu prévoir tout ce qui les attendait en
cours de route.
Bien que les Argonautes, venant de Grèce, aient fait voile
vers l’est alors qu’Enée et les siens se dirigeaient de la Crète vers l’ouest,
les Troyens rencontrèrent les Harpies tout comme l’avaient fait Jason et ses
compagnons. Les héros grecs se montrèrent plus courageux – ou peut-être plus
habiles à l’épée ; toujours est-il qu’ils étaient à deux doigts de tuer
les affreuses créatures quand Iris intervint, tandis que les Troyens furent
repoussés par elles et forcés à appareiller pour leur échapper.
À leur stupéfaction, ils rencontrèrent Andromaque, la femme
d’Hector, au cours de leur escale suivante. Après la chute de Troie, elle avait
été donnée à Néoptolème, parfois nommé Pyrrhus, fils d’Achille, l’homme qui
avait égorgé le vieux Priam devant l’autel. Il l’abandonna bientôt pour
Hermione, fille d’Hélène, mais ne survécut guère à ce mariage et après sa mort,
Andromaque épousa Hélénos, le prophète troyen. Ensemble, ils gouvernaient à
présent le pays et comme bien on pense, ils accueillirent avec joie Enée et ses
compagnons. Ils leur offrirent l’hospitalité la plus généreuse et quand vint le
moment des adieux, Hélénos leur donna des conseils fort utiles au sujet de leur
voyage. Ils ne devaient surtout pas aborder sur la côte orientale, leur dit-il,
car elle était peuplée de Grecs. Leur future patrie était sur la côte
occidentale, un peu vers le nord ; il leur fallait à tout prix renoncer à
la route la plus courte, celle qui passe entre la Sicile et l’Italie et où ils
se heurteraient à ce détroit périlleux gardé par Charybde et Scylla, que les
Argonautes n’avaient pu traverser que grâce à l’appui de Thétis et où Ulysse
avait perdu six hommes de son équipage. Il n’apparaît pas très clairement
comment les Argonautes, venant d’Asie en Grèce, avaient pu se retrouver sur la
côte occidentale d’Italie, pas plus d’ailleurs qu’on ne s’explique comment
Ulysse y parvint lui aussi ; cependant, aucun doute ne semblait obscurcir
l’esprit d’Hélénos quant à la localisation exacte de cet endroit, et il donna à
Enée les conseils les plus précis qui lui permettraient d’éviter cet enfer des
marins en faisant un long circuit autour de la Sicile pour aborder en Italie,
bien au nord du gouffre de l’implacable Charybde comme de la sombre caverne où
Scylla aspirait des bateaux entiers.
Les Troyens prirent donc congé de leurs aimables hôtes puis,
après avoir contourné l’extrémité orientale de l’Italie, pénétrés de confiance
en leur guide prophétique, ils poursuivirent leur route vers l’ouest en
longeant la Sicile. Selon toute apparence, cependant, et malgré ses mystérieux
pouvoirs divinatoires, Hélénos semble avoir ignoré que l’île – dans sa partie
méridionale tout au moins – était occupée par les Cyclopes, car il négligea de
les prémunir contre ce danger. Ils atteignirent l’île au crépuscule et sans
l’ombre d’une hésitation, ils campèrent sur la grève. Il est fort probable que
tous auraient été capturés et dévorés si dès l’aube suivante, avant qu’aucun
des monstres se fût éveillé, une pauvre ruine humaine n’était accourue vers
l’endroit où reposait Enée. Il se jeta à genoux, mais en vérité, sa misère
évidente valait à elle seule une supplication ; sa pâleur était celle d’un
être à demi-mort d’inanition, une chevelure épaisse surmontait son visage sale
à
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