La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
l’accepter elles aussi, et cette
nouvelle loi de miséricorde étant ainsi établie, elles-mêmes se transformèrent.
De Furies à l’aspect terrifiant, elles devinrent les Euménides, c’est-à-dire
les Bienveillantes, les protectrices des suppliants. Elles acquittèrent Oreste
et par ce pardon, l’esprit mauvais qui avait si longtemps hanté sa maison en
fut désormais banni. C’est en homme libre qu’Oreste quitta le tribunal
d’Athéna. Ni lui, ni aucun de ses descendants ne serait jamais plus entraîné au
crime par l’irrésistible pouvoir du passé. La malédiction de la Maison d’Atrée
avait pris fin.
Iphigénie en Tauride
J’ai emprunté la totalité de ce
récit à deux œuvres d’Euripide, le poète tragique du V e siècle. Aucun autre écrivain ne le
relate en entier. Euripide est le seul des trois poètes tragiques à employer
l’expédient commode d’un dénouement heureux dû à l ’ intervention d’une divinité – le deus ex machina. Selon
nos idées, c’est une faiblesse ; elle est certainement inutile dans le cas
qui nous occupe, où la même fin eût pu être obtenue par l’omission pure et simple
du vent contraire. En fait, l’apparition d’Athéna nuit à un bon dénouement. Une
raison possible à cette défaillance de la part de l’un des plus grands poètes
que le monde ait connus serait qu’à cette époque les Athéniens souffraient fort
de la guerre contre Sparte ; ils étaient avides de miracles et Euripide
choisit peut-être ce moyen de les satisfaire.
Ainsi qu’il a été dit déjà, les Grecs répugnaient aux récits
montrant des êtres humains offerts en sacrifice, que ce fût pour apaiser les
dieux irrités ou pour obtenir de la Terre Nourricière une moisson abondante ou
pour quelque autre raison. Ils pensaient comme nous à ce sujet : ces
sacrifices leur semblaient abominables ; toute divinité qui les exigeait
prouvait par là qu’elle était mauvaise et, selon les mots d’Euripide :
« Si les dieux font le mal, c’est qu’ils ne sont pas des dieux ». Il
était donc inévitable que surgît une nouvelle version du sacrifice d’Iphigénie
à Aulis. Suivant l’ancien récit, Iphigénie fut égorgée parce que l’un des
animaux sauvages tant aimés d’Artémis avait été massacré par les Grecs ;
seule la mort d’une jeune fille pouvait rendre aux chasseurs coupables la
faveur de la déesse. Mais pour les Grecs d’une époque moins reculée, ceci
diffamait Artémis. Une telle exigence ne pouvait être formulée par la
ravissante souveraine des bois et des forêts, par la protectrice de toutes les
petites créatures inoffensives :
Elle est si douce, Artémis la sainte,
À la jeunesse humectée de rosée, aux tendres
nourrissons,
Aux petits de tout ce qui pâture dans les
prés,
De tout ce qui vit dans la forêt profonde.
Un nouveau dénouement fut donc donné à la légende. Lorsque,
à Aulis, les soldats grecs vinrent chercher Iphigénie qui attendait aux côtés
de sa mère le moment d’être menée à la mort, la jeune fille interdit à
Clytemnestre de l’accompagner jusqu’à l’autel. « Cela vaut mieux pour toi
comme pour moi », lui dit-elle. La mère fut donc laissée seule. Elle vit
enfin approcher un homme. Il courait, et elle s’étonna qu’il pût se trouver quelqu’un
à tant se hâter de lui apporter une si grande peine. Mais il cria :
« Merveilleuses nouvelles ! » Sa fille n’avait pas été
sacrifiée, lui dit-il. Le fait était certain, bien que personne ne sût de façon
exacte ce qui lui était arrivé. Au moment où le prêtre allait la frapper,
l’angoisse troubla tous les hommes présents, qui tous baissèrent la tête. Mais
à un cri poussé par le prêtre, ils relevèrent les yeux, pour voir un prodige à
peine croyable. La jeune fille avait disparu mais sur le sol, à côté de l’autel,
gisait une biche égorgée. « Ceci est l’œuvre d’Artémis », proclama le
prêtre. « Elle ne veut pas que son autel soit souillé de sang humain.
Elle-même a fourni la victime et elle accepte l’holocauste. » « Je te
le dis, ô reine », acheva le messager. « J’étais là et c’est ainsi
que la chose s’est passée. Ton enfant a été emportée chez les dieux, cela ne
fait aucun doute. »
Mais Iphigénie n’avait pas été enlevée dans les deux. Artémis
l’avait déposée en Tauride (aujourd’hui la Crimée), sur les côtes de la Mer
Inamicale. Là vivait un peuple féroce
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