La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
pouvait ni leur échapper ni les repousser. Dans son
indicible infortune, elle s’enracina sur un roc, haïssant et détruisant tout ce
qui l’approchait – péril mortel pour tous les marins qui passaient à sa portée
ainsi que Jason, Odysseus et Enée devaient en faire l’expérience.
Erysichthon
Une femme possédait le pouvoir de se donner des apparences diverses,
un pouvoir aussi étendu que celui de Protée. Assez étrangement, elle en usait
pour procurer de la nourriture à son père affamé. Son histoire est la seule où
Cérès, la bonne déesse, apparaît cruelle et vindicative. Erysichthon eut
l’audace criminelle d’abattre le plus grand chêne d’une forêt consacrée à
Cérès. Lorsqu’il leur en donna l’ordre, ses serviteurs reculèrent devant le
sacrilège ; sur quoi, il saisit lui-même une hache et s’attaqua au tronc
puissant autour duquel les dryades avaient coutume de se rassembler pour
danser. Quand il le frappa, du sang s’échappa de l’arbre et une voix se fit
entendre ; elle lui disait que Cérès le punirait certainement de son
crime. Mais ces prodiges n’apaisèrent point sa folie ; il leva et abaissa
sa hache jusqu’à ce qu’enfin le grand chêne s’écrasât sur le sol. Les dryades
coururent conter l’affaire à Cérès et la déesse, profondément offensée, leur
déclara que le coupable subirait un châtiment comme nul n’en avait encore
jamais vu. Dans son char, elle envoya l’une d’elles dans la région habitée par
la Faim, avec pour mission de prier cette dernière de prendre possession
d’Erysichthon. « Qu’elle veille bien à ce que nulle abondance ne le
satisfasse jamais », recommanda-t-elle. « Il restera affamé dans
l’acte même de se nourrir. »
La Faim obéit. Elle pénétra dans la chambre d’Erysichthon
pendant qu’il dormait, elle l’enveloppa de ses bras décharnés et le tenant dans
cette étreinte abominable, elle le remplit d’elle-même et s’implanta en lui. Il
s’éveilla avec un désir dévorant de nourriture et ordonna qu’on lui servît au
plus vite un repas. Mais plus il mangeait et plus il se sentait inassouvi. Il
dépensa toute sa fortune en approvisionnements qui ne le rassasiaient jamais.
Bientôt il ne lui resta plus rien – que sa fille. Il la vendit aussi. Sur la
grève où était ancré le bateau de son nouveau maître, elle implora Poséidon de
la sauver de l’esclavage, et le dieu entendit sa prière. Il la métamorphosa en
pêcheur. Le maître, qui la suivait à quelque distance, ne vit plus qu’un homme
fort occupé de ses filets. Il l’interpella : « Où donc est partie
cette jeune fille qui était ici, il y a un instant ? Voici l’empreinte de
ses pas, mais elle cesse subitement. » Le prétendu pêcheur répondit :
« Nul homme sauf moi-même n’est venu sur cette plage et nulle femme non
plus, j’en jure par le dieu de la Mer ». Lorsque l’autre, confondu, eut
regagné son bateau, la jeune fille reprit sa propre forme. Elle revint à son
père et lui causa une grande joie en lui racontant ce qui s’était passé ;
il y voyait une occasion de se créer par elle des ressources inépuisables. Il
vendit et revendit sa fille et chaque fois Poséidon la transformait, tantôt en
jument, tantôt en oiseau et ainsi de suite. Et chaque fois elle échappait à
celui qui l’avait achetée et revenait à son père. Mais enfin, il arriva que
l’argent qu’elle gagnait ainsi pour son père ne suffit plus aux besoins
d’Erysichthon ; il s’en prit à son propre corps et se dévora lui-même.
Pomone et Vertumne
Ces deux divinités ne sont pas grecques mais romaines.
Pomone était la seule parmi les nymphes à ne pas aimer la forêt sauvage. Elle
lui préférait les jardins et les vergers ; tailler, émonder, greffer et
tout ce qui fait l’art du jardinier l’enchantait. Elle fuyait la compagnie des
hommes pour rester seule avec ses arbres bien-aimés et ne permettait à aucun
soupirant de l’approcher. De tous ceux qui la recherchaient, le plus ardent
était Vertumne, mais en vain ; souvent, il venait à elle sous un
déguisement, tantôt sous les apparences d’un fruste moissonneur lui apportant
une corbeille d’épis de maïs, tantôt sous celles d’un bouvier gauche et
maladroit ou encore d’un vigneron. S’il se donnait ainsi la joie de
l’apercevoir, il avait aussi le chagrin de se dire que jamais elle n’abaisserait
un regard sur l’homme qu’il prétendait
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