La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
filles d’égorger leur propre père et de le couper ensuite en
morceaux. Malgré tout leur désir de le voir recouvrer sa jeunesse, elles durent
se faire violence, mais enfin l’affreuse besogne fut accomplie et les restes
jetés dans la chaudière ; elles se tournèrent alors vers Médée pour qu’elle
prononçât les mots magiques qui leur rendraient leur père dans sa jeunesse
retrouvée. Mais Médès avait disparu – elle avait quitté le palais et la ville ;
horrifiées, les malheureuses comprirent qu’elles avaient elles-mêmes tué leur
père. Jason était bien vengé, en vérité.
Une autre légende veut que Médée ait rendu la vie au père de
Jason en même temps que sa première verdeur, et qu’elle ait donné à Jason le
secret de la perpétuelle jeunesse. Mais quoi qu’elle ait fait, en bien ou en
mal, elle l’accomplit pour lui seul et il la récompensa en la trahissant
lâchement.
Après la mort de Pélias, tous deux s’en vinrent à Corinthe. Deux
fils leur étaient nés et leur sort paraissait heureux. L’exil lui-même ne
semblait pas peser à Médée ; la perte de sa famille et de son pays lui
était peu de chose en regard de son immense amour pour Jason. Mais tout héros
qu’il fut ou prétendît être, Jason montra alors la bassesse qu’il portait en
lui : il s’éprit de la fille du Roi de Corinthe et l’épousa. C’était pour
lui une alliance splendide et il oublia tout sentiment d’amour ou de gratitude
pour ne plus penser qu’à satisfaire son ambition. Sous l’emprise de sa surprise
et de son angoisse devant cette trahison, Médée laissa échapper des mots qui
firent croire au Roi de Corinthe qu’elle se vengerait sur sa fille – il devait
être un homme singulièrement dépourvu de défiance pour n’y avoir pas pensé plus
tôt – et il signifia à Médée qu’elle devait aussitôt quitter le pays avec ses
deux fils. C’était un sort bien pire que la mort. Exilée, une femme chargée de
petits enfants ne pouvait espérer aide et protection de personne.
Immobile, prostrée, Médée songeait sombrement à ce qu’il lui
restait à faire, à ses griefs, à son destin misérable, appelant la mort qui
mettrait un terme à une vie qu’elle ne se sentait plus la force de supporter ;
parfois, avec des larmes, elle pensait à son père, à son pays, elle frissonnait
au souvenir de son frère et de cette tache sanglante que rien ne pouvait
effacer ; mais toujours, elle restait consciente de cette passion sauvage
et violente, cause de tout ce mal et de son propre malheur – et soudain, Jason
parut devant elle. Sans un mot, elle le regarda. Il était là, tout près d’elle,
et cependant elle était loin de lui, seule avec son amour outragé et sa vie
détruite. Mais Jason ne se sentait pas contraint au silence par la violence de
ses sentiments ; il lui dit avec froideur qu’il avait toujours su combien
elle était peu maîtresse de son caractère. Sans les paroles insensées, venimeuses
qu’elle avait laissé échapper, sans ses menaces envers la nouvelle épouse, rien
ne l’aurait empêchée de vivre paisiblement à Corinthe. Lui-même avait fait de
son mieux pour lui trouver des excuses et c’était à lui seul et à son
intercession qu’elle devait de n’être qu’exilée et non tuée. Il n’avait épargné
aucun effort pour persuader le Roi, et s’il venait à elle maintenant, c’est qu’il
n’était pas homme à abandonner ses amis ; il veillerait à ce qu’on lui
donnât de l’or et tout le nécessaire pour le voyage.
C’en était trop. Médée laissa jaillir le torrent de ses
griefs. « Tu viens à moi », dit-elle…
À moi, de toute la race humaine ?
Mais tu as bien fait de venir.
Car je libérerai mon cœur de son fardeau
Si je parviens à rendre ta vilenie manifeste.
Je t’ai sauvé. Tout homme, en Grèce, le sait.
Les taureaux, les hommes-dragons, le serpent
qui gardait la Toison,
Je les ai tous vaincus. Je t’ai rendu victorieux.
J’ai tenu le flambeau qui a permis ton salut.
Père, foyer – j’ai tout quitté pour une terre
étrangère.
J’ai dispersé tes adversaires
Et mené Pélias vers une mort hideuse.
Maintenant tu me trahis.
Où irai-je ? Retournerai-je dans la
maison de mon père ?
Vers les filles de Pélias ? Pour toi je
suis devenue
L’ennemie de tous.
Avec aucun de ceux-là je n’avais moi-même de
querelle.
Ah, j’ai trouvé en toi
Un époux loyal, digne d’être admiré des
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