La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
de venir vous le demander. »
Souriant, le Soleil enleva sa couronne de lumière afin que le garçon pût le
regarder sans en souffrir. « Approche-toi, Phaëton », dit-il. « Tu
es mon fils. Ta mère t’a dit la vérité. J’espère que tu ne douteras pas aussi
de ma parole ? Mais je vais t’en donner une preuve. Exprime un vœu. Quel
qu’il soit – j’en jure par le Styx, le fleuve du serment –, je te l’accorderai. »
À n’en pas douter, Phaëton avait souvent observé la course du
Soleil à travers l’espace et s’était dit alors avec un sentiment fait pour
moitié de crainte et pour moitié de fierté : « Voici mon père, là-haut »,
se demandant ce qu’on pouvait éprouver à être dans ce char, à mener les chevaux
dans leur course vertigineuse, à donner la lumière au monde. À présent, les
mots de son père rendaient possible ce rêve insensé. Sur-le-champ, il s’écria :
« Je choisis de prendre ta place, père. C’est mon seul désir. Pour un jour,
un seul, laisse-moi conduire ton char. »
Le Soleil comprit sa propre folie. Comment avait-il pu
prêter ce serment fatal, pourquoi s’était-il engagé à céder au premier caprice
qui passerait par la tête folle d’un jeune étourdi ? « Cher garçon », dit-il, « c’est
la seule chose que je t’aurais refusée. Je sais que je ne peux plus le faire, j’ai
juré par le Styx, et si tu persistes, il faudra que je cède. Mais je veux
espérer que tu renonceras. Écoute-moi, et je te dirai ce que signifie ton vœu. Tout
autant que le mien, tu es le fils de Clymène. Tu es donc mortel et nul mortel
ne peut conduire mon char. En vérité, aucun dieu sauf moi-même ne peut le faire,
pas plus le Maître de l’Olympe que les autres. Pense à la route qu’il te
faudrait suivre. Elle s’élève de la mer par une pente si raide que les chevaux
ont peine à la gravir, tout frais qu’ils soient dans le jeune matin. À mi-ciel,
elle est déjà si haut que j’ose à peine moi-même jeter un coup d’œil vers le
bas. Mais pire que tout le reste est la descente ; elle est tellement
précipitée que les dieux de la Mer, qui attendent ma venue, se demandent comme
je parviens à éviter la chute. Et guider les coursiers est une lutte
perpétuelle. Leur fougue s’échauffe au fur et à mesure de leur ascension et ils
supportent avec peine mon contrôle. Que feraient-ils sous le tien ?
» Tu t’imagines peut-être qu’il y a là-haut toutes sortes de
merveilles, des cités célestes remplies de splendeur ? Rien de tout cela. Tu
rencontrerais des bêtes, des bêtes de proie féroces, et rien qu’elles ; le
Taureau, le Lion, le Scorpion, le Cancer, et chacun d’eux tenterait de te faire
du mal. Laisse-toi persuader. Regarde autour de toi ; vois tous les biens
que t’offre ce monde généreux ; choisis parmi eux celui que ton cœur
désire et il t’appartiendra. Si tu cherches la preuve que tu es bien mon fils, mes
craintes pour toi prouvent à suffisance que je suis ton père. »
Mais rien dans ce discours si sage ne put convaincre Phaëton.
Déjà il se voyait fièrement debout dans ce char prodigieux, ses mains guidant
triomphalement ces coursiers que Jupiter lui-même ne pouvait maîtriser. Aux
dangers que son père énumérait, il n’accorda pas une pensée ; il n’éprouva
pas un seul frisson de crainte, pas un doute au sujet de ses forces. Voyant qu’il
n’obtenait rien, le Soleil renonça enfin à le dissuader. D’ailleurs le temps
pressait ; le moment du départ approchait. Déjà les portes de l’Est s’empourpraient
et l’aurore avait ouvert ses parvis roses. Les étoiles quittaient le ciel et
même l’étoile du matin pâlissait.
Aucune hâte n’était nécessaire mais tout était prêt. Les
Saisons, ces concierges de l’Olympe, attendaient le moment d’ouvrir toutes
grandes les portes. Les chevaux étaient bridés et attelés au char. Heureux et
fier, Phaëton y monta et les coursiers s’élancèrent. Il avait fait son choix ;
maintenant, quoi qu’il arrivât, il ne pouvait plus changer de voie. Il n’en
avait nulle envie d’ailleurs, grisé par ce premier et enivrant envol à travers
l’éther, tellement rapide que le Vent d’Est fut gagné de vitesse et de loin
dépassé. Les sabots ailés des chevaux foulaient les bancs de nuages bas
amoncelés sur l’océan, puis, plus haut, toujours plus haut, ils entraînèrent le
char jusqu’au firmament. Pendant quelques instants, Phaëton
Weitere Kostenlose Bücher