La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
connut une sorte d’extase.
Il se crut le Seigneur des Cieux. Mais soudain, tout changea. Le char oscillait,
le galop s’accélérait, Phaëton n’avait plus les chevaux en mains ; c’était
eux et non plus lui qui dirigeaient la course. Ce poids léger, ces faibles
mains qui se cramponnaient aux rênes leur avaient dit que leur conducteur n’était
pas là ; ils étaient donc les maîtres puisque nul autre ne pouvait les
dominer. Ils quittèrent la route et s’élancèrent au hasard de leur caprice, à
droite, à gauche, en haut, en bas. Ils évitèrent de justesse une collision avec
le Scorpion et faillirent heurter le Cancer. De terreur, le pauvre conducteur
de char était maintenant à demi évanoui et il laissa tomber les rênes.
Ce fut le signal d’une course plus folle encore et toujours
plus téméraire. Les chevaux bondirent au plus haut du ciel puis plongèrent, tête
baissée, vers la terre, et ils mirent le monde à feu. Les montagnes les plus
élevées furent les premières à s’embraser. Le mont Ida, l’Hélicon où demeurent
les muses, le Parnasse et l’Olympe qui perce les nues. Courant au long des
pentes rapides, les flammes gagnèrent les vallées profondes et les sombres
forêts, jusqu’à ce qu’enfin tout ne fût plus qu’un immense brasier. Les
ruisseaux furent transformés en buée, les rivières se tarirent. On dit que c’est
alors que le Nil s’enfuit et cacha sa tête, que l’on n’a pas encore retrouvée.
Enveloppé de fumée épaisse et d’intense chaleur comme dans
une fournaise ardente, Phaëton se maintenait avec peine dans le char. Il n’avait
plus qu’un désir, voir la fin de cette horreur et de cette épouvante ; il
aurait accueilli la mort avec soulagement. La Mère Terre, elle aussi, ne
pouvait en supporter davantage ; elle poussa un grand cri qui parvint
jusqu’aux dieux. Du haut de l’Olympe, ils jetèrent les yeux sur elle et ils
virent que si le monde devait être sauvé, il leur fallait agir promptement. Jupiter
saisit son fondre et le lança sur le conducteur étourdi et repentant. Il le tua,
il fracassa le char et il précipita les chevaux affolés dans la mer.
Tout en feu, Phaëton tomba à travers l’espace jusqu’à la
terre. L’Eridan, ce fleuve mystérieux que nul œil mortel n’a jamais vu, le
reçut ; il éteignit les flammes et rafraîchit le pauvre corps. Émues de
pitié envers ce jeune homme si hardi et trop jeune encore pour la mort, les
naïades l’ensevelirent et gravèrent sur sa tombe :
Ici repose Phaëton, qui conduisit le char du
Soleil.
Il échoua grandement mais il avait grandement
osé.
Ses sœurs, les Héliades, filles elles aussi d’Hélios, le
Soleil, vinrent pleurer sur sa tombe ; elles furent changées en peupliers,
sur les berges de l’Eridan,
Où leurs pleurs à jamais se mêlent aux eaux du
torrent.
Chacune de leurs larmes brille dans l’onde
Comme une goutte d’ambre étincelante.
Pégase et Bellérophon
Deux épisodes de cette légende
sont empruntés aux premiers poètes. Hésiode, au VIII e ou IX e siècle,
nous parle de la Chimère, tandis que l’Iliade nous conte les amours d’Antée et
la triste fin de Bellérophon. C’est Pindare, au début du V e siècle, qui a le premier et le mieux
narré le reste de l’histoire.
À Ephyre, la ville plus tard appelée Corinthe, Glaucos était
Roi. Il était le fils de Sisyphe, celui qui dans le Hadès doit à jamais tenter
de rouler une grande roche jusqu’au haut d’une montagne parce qu’il avait un
jour révélé un secret de Zeus. Glaucos, lui aussi, s’attira le courroux du ciel.
C’était un cavalier accompli et afin de rendre ses chevaux plus ardents dans
les batailles, il les nourrissait de chair humaine. Des actes aussi monstrueux
indignaient toujours les dieux et ils lui firent subir le traitement qu’il
imposait aux autres. Il fut précipité de son char et ses chevaux, après l’avoir
dépecé, le dévorèrent.
Dans la cité, un hardi et beau jeune homme nommé Bellérophon
passait en général pour être son fils. Cependant, le bruit courait aussi que
Bellérophon avait pour père un personnage bien plus puissant encore, Poséidon
lui-même, le Souverain de la Mer, et l’on disait que les dons exceptionnels d’esprit
et de corps dont l’adolescent était comblé rendaient cette filiation très
vraisemblable. De plus, Eurynome, sa mère, bien que mortelle, avait été l’élève
d’Athéna jusqu’au jour où,
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