La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
en intelligence comme en sagesse, elle se révéla l’égale
des dieux. Pour toutes ces raisons, comment ne pas s’attendre à ce que
Bellérophon parût aux yeux de tous plus divin que mortel ? Les grandes
aventures devaient attirer un tel être, qu’aucun péril ne pourrait jamais faire
reculer. Et cependant l’action qui l’a fait le plus largement connaître n’exigea
aucun courage ni même le moindre effort. En vérité, elle prouvait que :
Ce que se promet l’homme ne peut être accompli
Ni même espéré – Seul le Grand Pouvoir
qui nous gouverne
Le lui met en main, avec une facile maîtrise.
Plus que tout au monde, Bellérophon voulait s’emparer de
Pégase, un cheval merveilleux né du sang de la Gorgone Méduse quand elle fut
tuée par Persée. C’était :
Un coursier ailé, inlassable à la course
Et qui passe dans l’air comme une rafale de vent.
Il opérait des prodiges. La source favorite des poètes, l’Hippocrène,
avait jailli sur l’Hélicon, la montagne des Muses, à l’endroit où son sabot
heurta la terre. A qui serait-il donné de capturer et de dresser une pareille
créature ? Bellérophon était torturé d’un désir sans espoir.
Le plus sage des voyants d’Ephyre (Corinthe), auquel il
avait confié sa peine, lui conseilla de se rendre dans le temple d’Athéna et d’y
dormir. Les dieux parlaient souvent aux hommes dans leurs rêves. Bellérophon s’en
vint donc dans ce lieu sacré et tandis qu’il sommeillait près de l’autel, il
crut voir la déesse debout devant lui et tenant un objet doré dans sa main. Elle
lui dit : « Endormi ? Non, réveille-toi. Voici ce qui te
permettra de charmer le coursier que tu convoites. » Il se leva d’un bond.
Il ne vit aucune déesse mais sur le sol, il y avait un objet merveilleux, un
mors tout en or comme on n’en avait jamais vu. Enfin rempli d’espoir et serrant
le mors dans sa main, il se hâta vers les prés pour y chercher Pégase. Quant il
l’aperçut, le cheval prodigieux s’abreuvait à la fontaine de Pyrène, une source
fameuse qui jaillissait au pied de la citadelle de Corinthe. Il s’approcha sans
bruit ; tranquille, Pégase le regarda venir sans effroi et se laissa
docilement brider. Le charme donné par Athéna opérait ; Bellérophon était
maître de cette créature merveilleuse.
Revêtu de son armure d’airain, il se hissa sur son dos et le
fit parader ; et le cheval semblait tout autant que lui-même se complaire
à ce jeu. Maintenant il était le maître de l’air, il volerait au gré de son
désir, envié de tous. Comme les événements le démontrèrent par la suite, Pégase
se révéla une aide tout autant qu’une joie, car de dures épreuves attendaient
Bellérophon.
Sauf que ce fut par accident, on ne nous dit pas de façon
précise comment Bellérophon eut le malheur de tuer son frère ; il se
réfugia ensuite à la Cour du Roi d’Argos, Prœtos, qui le purifia. Et c’est là
que commencèrent ses épreuves et aussi ses actions d’éclat. Antéia, la femme de
Prœtos, s’éprit de lui, mais quand il l’écarta de lui et refusa de répondre à
ses sentiments, elle en conçut un vif dépit. Devant son mari, elle l’accusa d’avoir
voulu la séduire et demanda sa mort. Malgré sa colère, Prœtos refusa. Bellérophon
avait mangé et bu à sa table, il ne pouvait donc user de violence envers lui. Cependant,
il tissa un plan qui devait en fin de compte amener le même résultat. Il pria
le jeune homme de porter une lettre à Iobatès, Roi de Lycie en Asie, et
Bellérophon accepta de bonne grâce. Sur le dos de Pégase, tout voyage devenait
facile. Le Roi de Lycie le reçut avec toute l’hospitalité des temps antiques et
pendant neuf jours lui offrit festins et réjouissances, avant de demander à
voir la lettre. Alors seulement il lut que Prœtos lui demandais de faire tuer
le jeune homme.
Mais Iobatès y répugnait pour la même raison que Prœtos :
l’hostilité bien connue de Zeus envers ceux qui trahissaient les lois de l’hospitalité.
Néanmoins, aucune objection ne s’opposait à envoyer l’étranger, et avec lui son
cheval ailé, au-devant d’une aventure. Et c’est pourquoi, persuadé qu’il n’en
reviendrait pas, il pria Bellérophon d’aller combattre la Chimère. Celle-ci
passait pour invincible. C’était un monstre des plus singulier, lion par-devant,
serpent par-derrière, chèvre entre les deux,
Une créature terrifiante, immense, au pied
rapide,
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