La naissance du roi Arthur
apprendre une stupéfiante nouvelle : sur un tertre, non loin de là,
une épée était fichée dans un perron. Tous s’y précipitèrent et furent témoins
de cet étrange spectacle. Et quand la messe fut terminée, l’archevêque et ceux
qui étaient restés dans l’église vinrent à leur tour. « Voilà une chose merveilleuse ! »
s’écriaient les uns. « C’est encore une diablerie de Merlin ! »
s’écriaient les autres. À la fin, l’archevêque s’impatienta. « Taisez-vous
tous ! dit-il. Nous allons bien voir ce qu’il en est ! »
Il fit apporter de l’eau bénite et, en prononçant les
paroles de l’exorcisme, il fit une aspersion sur la pierre et sur l’épée. À
peine avait-il accompli ce rite qu’à la base du perron apparut une inscription
en lettres d’or. Et chacun put lire cette phrase : « Celui qui
retirera cette épée de la pierre sera le roi choisi par Dieu. » Et pour
que la foule, qui commençait à s’amasser tout autour, pût en avoir
connaissance, l’archevêque la lut à haute voix. La foule cria sa joie, mais
l’archevêque comprit que, si l’on n’y prenait pas garde, certains allaient se
précipiter vers le perron au risque d’écarter violemment les autres, quitte à
les blesser ou à les tuer. Il fit reculer tout le monde et confia la
surveillance du perron à dix nobles, à cinq clercs et à cinq hommes du peuple.
Puis ils retournèrent à l’église où ils rendirent grâce à Dieu en chantant le Te Deum .
Après, l’archevêque s’adressa à l’assemblée en ces
termes : « Seigneurs, je ne pense pas que vous soyez aussi sages et
raisonnables que je l’espérais. J’aimerais cependant vous faire comprendre que
Dieu, en qui est la toute-puissance, a déjà choisi celui qui doit être notre
roi. Mais nous ne savons pas qui. Il est donc inutile de nous perdre en vaines
querelles. Que les hauts seigneurs de ce royaume ne se précipitent donc pas
comme des fous enragés pour tenter l’épreuve, car cette épée ne peut être
dégagée sous le signe de la puissance et de l’orgueil. Seule prévaut ici la
volonté de Dieu et ni la puissance, ni la noblesse, ni l’audace n’entrent en
jeu, et je suis persuadé que même si celui qui doit ôter cette épée n’était pas
encore né, personne ne pourrait réussir l’épreuve à sa place. » Tous les
grands barons approuvèrent les paroles de l’archevêque et, après s’être
consultés, ils vinrent lui dire qu’ils s’en remettaient à lui et qu’ils agiraient
selon ses directives.
« Fort bien, dit l’archevêque. Voici donc ce que je
vous propose : nous allons tous nous réunir autour du perron, et je
désignerai moi-même les premiers qui devront tenter de retirer l’épée. Que les
pauvres et les humbles ne s’irritent pas si les puissants s’essaient les
premiers, car cet ordre est raisonnable et légitime. Ce sont les barons les
plus hauts et les plus nobles qui subiront d’abord l’épreuve. » Tous
acceptèrent et promirent solennellement de reconnaître comme roi celui à qui
Dieu donnerait la grâce de réussir.
L’archevêque désigna donc cent cinquante des plus grands
barons du royaume, du moins ceux qu’il considérait comme les meilleurs, et il
les envoya tenter l’épreuve. Il y avait là le roi Uryen, le roi Loth d’Orcanie
et tous ceux qui étaient en charge d’un petit royaume, fût-ce le plus petit.
Puis il y eut les ducs et les comtes, tous ceux qui portaient une couronne.
Mais aucun d’eux ne parvint à retirer l’épée du perron, quelques efforts qu’ils
fissent, et certains d’entre eux en eurent grande honte, voire même du
ressentiment. Mais ils respectèrent leur promesse et ne firent pas montre de
leur humeur. Alors l’archevêque ordonna aux chevaliers d’essayer à leur tour.
Mais, les uns après les autres, tous ceux qui saisissaient le pommeau de l’épée
et voulaient la retirer du perron durent s’avouer vaincus : l’épée ne
bougeait pas d’un pouce et semblait narguer ceux qui avaient tant le désir de
s’en emparer. On décida alors de confier la garde du perron à neuf hommes d’une
excellente réputation et d’attendre la fin de l’après-midi pour convoquer le
peuple et demander à tous ceux qui le voudraient de tenter eux aussi l’épreuve.
Et l’on se sépara. Certains allèrent assister à la grand-messe. D’autres
s’éparpillèrent dans les environs, chacun commentant l’événement à sa façon
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