La naissance du roi Arthur
t’en remercie, seigneur, répondit Joseph. Tu dois
savoir qu’on vient de crucifier un certain Jésus le Nazôréen parce qu’il a
déplu aux gens de mon peuple. Je n’ai pas à juger si cet homme a été condamné
justement ou injustement, mais tout ce que je te demande, c’est de me permettre
de déposer son corps de la croix et de l’enterrer dans un tombeau que je
possède. C’est contraire à la coutume qui veut que les crucifiés pourrissent sur
place ou soient déchiquetés par les vautours, mais je te le demande comme
unique faveur. » Pilate s’étonnait grandement. « Je pensais, dit-il,
que tu me demanderais bien davantage. Comment ! En récompense de tes
services, je devrais te livrer le corps d’un supplicié ? Es-tu sûr d’avoir
toute ta raison, Joseph ? » – « Je suis parfaitement sain
d’esprit, répondit Joseph. Et c’est la seule demande que je te ferai, même si
tu ne peux en comprendre la raison. » Alors Pilate dit :
« Quelle que soit la raison de ta demande, je ne peux te la refuser. Tu
veux le corps de Jésus le Nazôréen ? Prends-le et dispose-s-en comme il te
plaira. »
Et Joseph s’en alla sur la colline des suppliciés. Mais
quand il voulut prendre le corps de Jésus, les soldats s’interposèrent. Ils
dirent : « Tu ne l’auras pas, car ses disciples ont fait courir le
bruit qu’il ressusciterait le troisième jour. Si l’on ne retrouvait pas son
corps, ces gens-là auraient beau jeu de clamer dans tout le pays que Jésus le
Nazôréen est ressuscité. Mais sache qu’autant de fois il ressusciterait, autant
de fois nous le tuerions ! »
Ainsi dirent les soldats, et Joseph vit qu’il n’obtiendrait
pas gain de cause. Il retourna chez Pilate et lui raconta ce qui se passait. Le
bailli des Romains en fut très courroucé. Il appela l’un de ses hommes de
confiance, qui avait nom Nicodème, et lui commanda d’aller avec Joseph pour
faire en sorte que les désirs de celui-ci fussent exaucés. Mais avant que
Joseph ne prît congé, Pilate le rappela et lui dit : « Joseph, tu
aimais certainement beaucoup cet homme qui se disait prophète. Or, j’ai ici une
coupe qu’un soldat a prise dans la maison de Simon où on l’a arrêté. Je te la
donne en souvenir de ce Jésus. »
Joseph remercia le bailli et emporta la coupe d’émeraude
avec lui. Il s’en alla avec Nicodème, et tous deux empruntèrent à un artisan
des tenailles et un marteau. Puis, ayant énoncé les ordres du bailli, ils
déclouèrent le corps de Jésus. Joseph le prit entre ses bras, le descendit à
terre et le lava bien soigneusement. Alors, voyant les plaies qui saignaient,
il recueillit dans la coupe que Pilate lui avait donnée le sang qui coulait du
côté, des pieds et des mains. Enfin, il enveloppa le corps dans un riche drap
qu’il avait acheté et l’ensevelit dans son tombeau, sous une grosse pierre
qu’il avait fait tailler pour lui-même.
Cependant, le troisième jour, quand les Juifs apprirent que
Jésus était ressuscité, ils entrèrent en grande colère contre Joseph et
Nicodème. Ils dirent publiquement que c’étaient eux qui avaient fait disparaître
le corps de Jésus, que c’étaient deux imposteurs et qu’il fallait immédiatement
les châtier avant qu’ils n’accomplissent d’autres actions aussi mauvaises. Ils
décidèrent entre eux de s’emparer, durant la nuit, de Joseph et de Nicodème, et
de leur faire subir les pires tourments. Or, Nicodème avait des amis qui
l’avertirent, et il eut le temps de disparaître et de se mettre à l’abri. Quant
à Joseph, il dormait dans son lit quand ils envahirent sa maison. Ils le firent
vêtir et le conduisirent chez un des plus riches hommes de la terre. Cet homme
avait, dans sa demeure, une tour très épaisse, mais qui était creuse et qui
constituait une très horrible prison. Les Juifs demandèrent alors à Joseph de
leur dire où il avait caché le corps de Jésus. Joseph leur répondit :
« Les gardes que vous avez placés autour de son tombeau le savent mieux
que moi. »
Les paroles de Joseph les mirent en grande fureur. « Tu
nous l’as volé, dirent-ils, il ne se trouve plus à l’endroit où nous t’avons vu
l’ensevelir. C’est toi qui l’as fait transporter ailleurs, en cachette, afin de
faire croire à sa résurrection. Nous t’enfermerons dans cette prison si tu ne
veux pas nous révéler où tu as caché le corps de Jésus ! » Joseph
répondit calmement qu’il ne
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