La naissance du roi Arthur
de temps après, une vieille femme qui se nommait
Vérone se présenta devant lui.
« Seigneur, dit-elle, j’étais présente le jour où l’on
menait le prophète à son supplice. Je me trouvais sur le chemin qui monte vers
le sommet de la colline. Je le voyais porter sa lourde croix, et lorsqu’il
passa près de moi, il me demanda d’essuyer son visage inondé de sueur avec la
pièce d’étoffe que je portais avec moi et que j’avais l’intention d’aller
vendre au marché. Alors, j’ai essuyé le visage du prophète, prenant bien soin
de le sécher. Mais lorsque je suis revenue chez moi, je me suis aperçue que ma
toile avait conservé l’image de Jésus, comme s’il s’agissait d’un portrait. Et,
depuis, j’ai gardé pieusement ce souvenir du prophète. » Elle tendit alors
l’étoffe au bailli. Celui-ci la déplia et aperçut le visage aussi nettement que
s’il venait d’être peint. Il dit à la vieille femme : « Tu as bien
fait de conserver cette toile, je t’en remercie au nom de notre
empereur. »
Et le bailli envoya la toile à Rome sans plus tarder.
L’empereur, dès qu’il l’eut reçue, la déplia et la regarda. Puis il s’inclina
trois fois, et ceux qui étaient là s’émerveillèrent. Après cela, Titus alla
jusqu’à la chambre de pierre où se trouvait son fils et se fit ouvrir la porte
qu’on avait condamnée. Sans plus tarder et sans être rebuté par l’odeur
épouvantable que répandait le corps du malheureux, il pénétra à l’intérieur et
montra le visage à Vespasien. Et celui-ci, dès qu’il eut regardé la figure de
Notre Seigneur, qui fut appelée ensuite la Véronique, ou la Sainte Face, se
trouva délivré de tous ses maux et le corps dépourvu de toute plaie.
« Oh ! merveille ! dit Vespasien. Le pouvoir de ce prophète
était donc bien réel ! Maudits soient ceux qui ont désiré sa mort et l’ont
conduit au plus ignominieux des supplices. Aussi vrai que je suis guéri de
cette horrible maladie, je jure de venger le prophète pour tous les tourments
qu’on lui a fait subir ! »
C’est ainsi que Vespasien, avec les troupes de son père,
l’empereur Titus, partit pour la Judée, et il fit en sorte d’exterminer le plus
possible de Juifs, puisque ceux-ci étaient responsables de la mort de Jésus [38] .
Quand elle sut que le fils de l’empereur se trouvait en Judée et qu’il avait
juré de venger Notre Seigneur, la femme de Joseph d’Arimathie vint le trouver.
Il y avait longtemps que son mari avait disparu, et elle soupçonnait les Juifs
de l’avoir emprisonné dans un endroit inaccessible et connu d’eux seuls. Aussi
raconta-t-elle tout ce qu’elle savait à Vespasien, et celui-ci ordonna aussitôt
qu’on interrogeât chaque Juif qu’on capturerait avant de le tuer. Mais aucun ne
voulut dire la vérité, et Vespasien avait beau en brûler tous les jours sur la
grande place de Jérusalem, il ne parvenait pas à savoir où gisait Joseph
d’Arimathie. À la fin, il y en eut quand même un qui confessa la vérité et qui
le mena dans la maison, là où était la tour creuse qui servait de cachot. « C’est
là que j’ai vu qu’on conduisait Joseph, il y a bien longtemps, et j’ai vu aussi
comment on en a muré la porte. » Alors Vespasien lui fit grâce de la vie
et ordonna aux ouvriers de travailler du pic et du ciseau pour dégager
l’entrée.
Quand le mur fut percé, Vespasien se pencha par l’ouverture
et appela Joseph par son nom. Mais il n’y eut aucune réponse. Alors Vespasien
prit une corde et descendit jusqu’au fond de la cellule. Là, il fut
stupéfait : il y avait un homme, à genoux sur le sol de la fosse, et, devant
lui, une étrange lumière semblait surgir de la pierre. L’homme agenouillé se
retourna et dit : « Bienvenue à toi, Vespasien ! »
Vespasien fut encore plus étonné : « Comment sais-tu mon
nom ? » demanda-t-il. – « Celui qui sait toutes choses, celui qui
t’a guéri de ton mal, c’est lui qui m’a dit que tu viendrais me délivrer. Et si
tu le voulais, je t’enseignerais à le connaître et à croire en lui. »
Vespasien dit qu’il était disposé à écouter Joseph, et celui-ci lui raconta
l’histoire de Jésus, sa naissance de la Vierge Marie, ses prédications et ses
miracles, sa passion et sa résurrection. Vespasien en fut émerveillé. Puis il
fit sortir Joseph de cette fosse où il avait passé tant d’années. Cependant,
tous ceux qui le virent n’en
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