La naissance du roi Arthur
savait rien de tout cela. Alors, ils le battirent
très durement et le firent descendre dans la prison. Et par-dessus, ils
scellèrent une pierre de telle manière que quiconque aurait cherché Joseph
n’aurait pu découvrir où il se trouvait.
Ainsi fut emprisonné Joseph d’Arimathie, en grand secret,
dans une tour sans ouverture aucune. Et quand Pilate apprit que Joseph avait
disparu, il se lamenta, car il n’avait jamais eu de meilleur ami ni de plus
loyal chevalier que lui. Joseph demeura un certain temps dans l’obscurité la
plus complète, se préparant à mourir, mais ne regrettant aucunement ce qu’il
avait fait. Or, tout à coup, il vit une étrange lumière jaillir dans les
ténèbres, et cette lumière avait une telle puissance qu’il lui fut impossible
de garder les yeux ouverts. « Qui es-tu ? » demanda Joseph,
émerveillé. Et une voix répondit dans la clarté : « Je suis celui
pour qui tu souffres, Joseph, je suis Jésus, le fils de Marie, qui a voulu
naître d’une femme parce qu’il fallait que le monde fût racheté d’une faute
qu’une autre femme avait commise. Mais je ne t’abandonnerai pas dans ta
nécessité, car je sais que tu m’as beaucoup aimé dans le secret de ton cœur
sans que personne parmi ceux qui t’entouraient en ait eu connaissance. Sache
bien que les générations futures sauront la vérité et qu’elles te rendront
hommage par toute la terre pour le grand amour dont tu as fait preuve à mon
égard. Et voici ce que je t’apporte… »
Joseph ouvrit les yeux et vit Jésus qui lui tendait la coupe
d’émeraude dans laquelle il avait recueilli le sang du Seigneur. Il fut très
étonné, car il avait caché ce précieux vase au plus profond de sa maison, en un
endroit où nul autre que lui ne pouvait le découvrir. Joseph prit la coupe
entre ses mains et s’agenouilla en signe de respect. Alors Jésus lui dit :
« Écoute bien mes paroles et qu’elles restent gravées dans ton esprit. Tu
demeureras très longtemps dans cette tour, mais tu ne souffriras de rien, car
je veillerai à ce que tu aies toujours nourriture et boisson en abondance.
Cette coupe sera le gage de ma présence auprès de toi. Et quand les temps
seront venus, tu seras délivré de ta prison : alors commencera pour toi la
mission qui t’est destinée. »
Joseph n’osait pas bouger, fasciné qu’il était par la figure
rayonnante de Jésus et par la grande clarté qui semblait émaner de la coupe
d’émeraude. Et Jésus continua ainsi : « Cette coupe, tu devras la
conserver en mémoire de moi et ne jamais permettre à des gens indignes de
l’approcher. Tu devras la mettre en sûreté et la garder précieusement, et après
toi, ceux à qui tu l’auras confiée devront faire de même afin que, de
génération en génération, elle soit vénérée comme la chose la plus sainte au
monde. Car tous ceux qui auront le privilège de contempler cette coupe seront
consolés de tous leurs chagrins, délivrés de toutes leurs angoisses, guéris de
toutes leurs maladies, rassasiés de leur faim et de leur soif. Lorsque j’étais
dans la maison de Simon le Lépreux, avec mes disciples, j’ai partagé le pain et
le vin avec eux, et j’ai dit que l’un d’eux me trahirait. Ainsi en a-t-il
été : Judas a quitté la table, et son siège est demeuré vide. En mémoire
de cela, tu devras établir une table autour de laquelle se réuniront ceux qui
auront la mission de veiller sur cette coupe, et cette coupe y devra être
exposée. Mais il y aura toujours une place vide à cette table et qui ne pourra
être occupée que par un homme digne et pur, et cela lorsque les temps seront
venus, lorsqu’un homme de lumière viendra effacer la perversité de celui qui
m’a trahi. Sache encore que cette coupe portera le nom de Graal , et c’est ainsi que les générations futures la
connaîtront. Joseph, toi qui me dépendis de la croix, toi qui lavas mes plaies
et recueillis mon sang, toi qui me donnas sans hésiter le tombeau qui t’était
destiné, toi qui souffres encore aujourd’hui à cause de moi, je te fais le
dépositaire de ce grand mystère. Mais ta récompense sera telle que nul homme au
monde ne sera plus honoré que toi dans les siècles à venir. »
Alors, Jésus disparut de la vue de Joseph. Mais le Graal était là, près de lui, et Joseph, en
contemplant la coupe, ne souffrait d’aucune angoisse, ni de la faim, ni de la
soif. Certes, les apôtres et ceux qui établirent
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