La naissance du roi Arthur
et comme ceux-ci attribuaient
leurs défaites à la nature du pays, recouvert d’épaisses forêts inaccessibles,
Caradoc décida de faire couper tous les arbres : ainsi les Romains
comprendraient que ses succès n’étaient dus qu’à sa seule vaillance et à la
ténacité des Bretons. Et, poursuivant les ennemis partout où ils se trouvaient,
il en fit un grand massacre. C’est alors que son oncle, Manawyddan, fils de
Llyr, fit rassembler tous les ossements des Romains morts au combat. Il mêla
ces ossements à de la chaux et construisit, au centre de l’île, une immense
prison destinée non seulement à tous les envahisseurs, mais également aux
traîtres qui les feraient venir dans le pays. Et l’on dit que cette prison
était ronde. Manawyddan avait placé les os les plus gros à l’extérieur, pour
que les murs fussent très solides, et avait utilisé les plus petits à
l’intérieur pour bâtir des cachots. Et l’on ajoute qu’il avait fait creuser, en
dessous, des fosses pour les traîtres [33] .
Il y avait à cette époque, à la tête de la nation bretonne
des Brigantes, une femme, Cartismandua, qui en était la reine. Cartismandua
s’était brouillée avec son époux Vénusius, lequel, avec quelques guerriers
fidèles, s’en était allé rejoindre Caradoc et combattait avec lui contre les
Romains. Alors, pour se venger, la reine Cartismandua conclut une alliance
secrète avec les Romains : faisant bonne mine aux autres Bretons, elle en
attira les chefs dans son pays, et c’est ainsi que Caradoc, qui ne pouvait être
vaincu que par trahison, fut fait prisonnier et livré aux Romains qui
l’emmenèrent dans leur pays. Et les Romains, bien décidés à s’emparer de toute
l’île de Bretagne, décidèrent de détruire le centre même de la résistance des
Bretons, là où se trouvaient rassemblés les druides, leurs maîtres à penser et
les plus grands ennemis de la nation romaine.
Car il y avait dans l’île de Môn une grande école de
druides, et tout autour de cette école vivait une population d’hommes courageux
et exaltés. Et c’était là que se réfugiaient tous ceux qui fuyaient la tyrannie
des Romains. Les Romains le savaient bien, et leur chef, Suetonius Paulinus,
décida qu’on s’attaquerait sans plus tarder à cette forteresse de la sédition.
Et Suetonius ne lésina pas sur les moyens. Il fit construire des bateaux plats
capables d’aborder sur des côtes basses et incertaines. Il y plaça ses
fantassins et fit traverser à gué ses cavaliers. Mais les habitants de Môn
s’étaient préparés à l’attaque. Les Romains ne purent retenir leur étonnement
en voyant le rivage opposé couvert de guerriers armés au milieu desquels ne
cessaient de courir des femmes qui, telles des Furies, criaient des
imprécations, vêtues de robes noires, les cheveux épars dans le vent et portant
des torches dans leurs mains pour lutter contre les ombres du crépuscule. Et
tout autour, les Romains terrifiés apercevaient des druides en grande robe
blanche, les mains levées vers le ciel et hurlant d’étranges malédictions. Mais
les Romains se ressaisirent, et comme ils étaient les plus nombreux, ils se
ruèrent à l’attaque, tuant femmes et hommes sur leur passage, et encerclant
ceux qui ne pouvaient plus se défendre. Il y eut là de grands massacres. On
éleva une forteresse pour contenir les prisonniers et on livra aux flammes les
bois sacrés où les Bretons avaient coutume de célébrer leurs sacrifices.
Lorsqu’ils apprirent que les Romains avaient détruit le
sanctuaire qui leur était le plus cher, les Bretons furent saisis de colère.
Partout, à travers le royaume, on se prépara à venger le sacrilège, même chez
les peuples qui avaient cru à l’amitié des Romains et avaient fait alliance
avec eux. Ainsi en était-il du peuple des Icéniens : leur roi, Prasugatos,
très fier de sa richesse, avait institué l’empereur de Rome son héritier,
conjointement avec ses deux filles, persuadé qu’ainsi son royaume serait à
l’abri de toute violence, d’où qu’elle pût venir. Or, ses terres furent
ravagées par les Romains et sa demeure mise à sac. On battit même de verges sa
veuve, la reine Boadicée, puis on viola ses filles, au mépris des lois humaines
les plus élémentaires. Quant aux divers chefs de ce peuple, ils furent
dépouillés de tous leurs biens et réduits à s’exiler.
Alors Boadicée, réfugiée dans une retraite sûre, au milieu
des
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