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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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le camérier s’approcha :
    — Allez-y, il vous attend. J’ai à faire, je vous rejoindrai ensuite.
    Dreu s’avança à pas lents, referma la porte et resta devant le battant, attendant que l’abbé lui fasse signe.
    Censius était assis à sa table, la Bible devant lui. Il n’avait pas levé la tête et, sembla-t-il, ne l’avait même pas entendu. Le rideau derrière lui bougea, soulevé par un léger souffle d’air. C’était par là que ce moine Iñigo était parti avec Benoît.
    Dreu frissonna, imaginant le pauvre novice enchaîné au mur, cerné par des rats. Le petit moine patienta encore un peu, mais Censius restait les yeux fixés sur les enluminures. Après un temps, il se décida à émettre un léger toussotement et l’abbé leva la tête.
    Une expression de folle terreur déforma alors son visage et il se dressa si violemment que la table se renversa.
    — Qui êtes-vous ? cria Censius en reculant jusqu’au mur. Que me voulez-vous ?
    — Mon père, mon père, calmez-vous, c’est moi, frère Dreu ! protesta le pauvre moine.
    — Allez-vous-en ! Prenez-en un autre. Allez-vous-en ! Dieu, aidez-moi !
    L’abbé s’était laissé tomber à genoux et levait les bras au ciel en signe de supplication. Le jeune moine n’osait plus bouger.
    — Je ne comprends pas... Mon père, c’est moi, frère Dreu, le copiste de Savigny.
    Etait-ce le nom de la fameuse abbaye ou quelque éclair de lucidité ? L’abbé se releva, alla à sa table qu’il remit d’aplomb, puis se rassit comme si de rien n’était. Le changement était si brusque que Dreu en resta stupéfait.
    — Je... Vous m’avez fait mander !
    L’abbé releva la tête et le regarda.
    — Que voulez-vous de moi ?
    La question le prit au dépourvu. Lui qui s’attendait à ce que l’abbé lui donne des instructions précises, il bafouilla :
    — Je viens... de... de Savigny pour la création de votre scriptorium...
    L’autre fit un geste de la main.
    — Je sais, je sais...
    — Je voudrais avoir vos ordres à ce sujet, mon révérend. Savoir quelle partie du bâtiment je dois aménager ou s’il faut construire une nouvelle bâtisse dans l’enceinte. Ensuite, j’aimerais savoir si vous pourriez m’adjoindre quelques copistes.
    — Il n’y en a pas. Continuez.
    Une moue d’incompréhension déforma le visage de Dreu. Dans leurs écrits, des moines avaient demandé à faire partie du scriptorium. Il n’insista pas et reprit :
    — Je vous présenterai ensuite mon projet et...
    La porte s’ouvrit derrière lui et un pas léger glissa sur le carrelage. Frère Henri se plaça à côté de l’abbé.
    — Avez-vous dit à notre jeune frère quelles tâches lui sont assignées, mon père ?
    — J’exposais justement... commença Dreu.
    — Je ne vous interrogeais pas ! le coupa sévèrement le camérier.
    — Pardon, mon frère, murmura Dreu en baissant la tête.
    Le silence retomba.
    — Mon père ? reprit le camérier.
    — Oui, oui, répondit Censius, l’entretien du monastère avec frère Iñigo.
    — Vous avez entendu, frère Dreu, quel est le désir de votre supérieur ? Frère Iñigo vous donnera les ordres. Vous lui obéirez comme à nous-mêmes et ne sortirez plus de cette enceinte jusqu’à nouvel ordre.
    — Bien, mon frère, répondit Dreu qui, malgré sa stupeur, avait compris qu’il ne servirait à rien de protester.
    Il allait se retrouver au ménage comme un laïc ou un novice.
    Quelques instants plus tard, il était dans la cour et le moine de forte carrure, qu’il avait déjà remarqué au chapitre, s’approcha de lui.
    — Frère Iñigo, se présenta-t-il. Vous nettoierez les sols, couperez le bois et irez chercher l’eau à la citerne sur le rempart.
    Frère Dreu hocha la tête et saisit le balai que l’autre lui tendait. En pensée il se mit à parcourir les courriers échangés avec le Castelas à la recherche d’un détail qu’il n’arrivait pas encore à appréhender mais qu’il savait devoir trouver. Car quelque chose n’allait pas, qui devait expliquer l’étrangeté de ce lieu et de ceux qui l’occupaient. Réfléchissant intensément, le petit moine trempa le linge dans le seau, l’essora et le jeta sur le dallage poussiéreux.

 
    39
    Eleonor achevait de changer les pansements du jarl quand Hugues entra sans bruit dans l’alcôve. Il avait les traits tirés et, malgré sa peau mate, des cernes apparaissaient sous ses yeux.
    — Vous êtes là, fit-il

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