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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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d’une voix changée. Je vous croyais sortie. Avez-vous réussi à dormir ?
    — Oui.
    Hugues hésita puis ajouta :
    — Nous ne nous sommes guère vus depuis Cales Coves.
    Le souvenir de ce qui s’était passé entre eux là-bas fit que la jeune femme s’empourpra malgré elle.
    — C’est vrai.
    Un silence gêné s’installa, que l’Oriental finit par rompre en désignant l’Orcadien.
    — Comment le trouvez-vous ?
    — Il va mieux.
    — Frère Grégoire lui a donné un nouveau remède dont il n’a pas voulu me confier la composition, mais la fièvre a baissé.
    — Sa respiration devient régulière et profonde et jusqu’à son teint qui a quitté cette vilaine couleur de cendre.
    Il ne répondit pas, ses yeux s’étaient égarés dans la longue chevelure brune qu’Eleonor n’avait pas encore eu le temps de nouer.
    — J’ai dit quelque bêtise ? fit celle-ci.
    — Non, vos observations sont justes. La couleur de la chair, tout comme celle du blanc des yeux, indique souvent l’état dans lequel nous sommes. Il faut que je vous parle, Eleonor.
    — Je vous écoute.
    Hugues regarda autour de lui : frère Thierry allait et venait, changeant les paillasses, jetant des brandes de bruyère dans les braseros.
    — Non, pas ici. Marchons un peu, voulez-vous ? Cela vous fera du bien et à moi aussi.
    — Je... hésita Eleonor. Oui, bien sûr. Mais vous devriez vous reposer, Hugues. Vous parliez des yeux tout à l’heure, les vôtres sont rouges de fatigue.
    — Je veux bien le croire. Venez.
    Quelques instants plus tard, ils marchaient côte à côte sur un chemin qui plongeait vers l’est. Le vent soufflait en rafales et l’île s’était assombrie. Avec cette lumière grise, elle paraissait soudain plus aride et sèche, plus dure qu’elle ne leur était apparue à leur arrivée. Dans les bosquets, les oiseaux s’étaient tus et les mouettes volaient en silence.
    — La tempête est proche, remarqua Hugues.
    — Que vouliez-vous me dire ? demanda Eleonor qui avait repris un peu d’aplomb.
    — J’aimerais que vous regagniez le camp.
    — Mais pourquoi ? s’indigna la jeune femme. Je vous suis utile, ici.
    — Là n’est pas la question. Bien sûr vous êtes utile, et plus que cela.
    — Alors dites-moi de quoi il s’agit ! Allez-vous revenir au camp, vous aussi, avec nos blessés ?
    Hugues ne répondit pas, il avait posé un doigt sur ses lèvres, faisant signe à Eleonor de se taire. Malgré le sifflement du vent, le grincement des roues d’une carriole leur parvenait.
    Des gens venaient sur le sentier. Hugues attira Eleonor dans les buissons, la forçant à s’accroupir à côté de lui derrière un bosquet. Des moines passèrent, poussant un chariot où reposaient deux cadavres enveloppés de leurs linceuls et des pelles.
    Une fois le convoi funèbre passé, Hugues resta immobile, sa main serrant celle de la jeune femme.
    Le visage soucieux, il relâcha son étreinte et se redressa.
    — Suivons-les.
    — Mais ce sont des moines, pourqu...
    — Silence !
    Ils marchèrent un moment puis se jetèrent à nouveau de côté : devant eux la carriole vide se dressait en travers du chemin. Ils se faufilèrent de buisson en buisson, s’arrêtant derrière un muret. Les moines avaient déjà jeté le corps de frère Paul, reconnaissable à sa robe, dans Tune des fosses. Ils soulevèrent le marin et le portèrent à l’autre bout du terrain, le flanquant dans un autre trou. Quelques instants plus tard, les tombes étaient comblées, et les moines, essoufflés par l’ouvrage, posaient les pelles à leurs épaules.
    — Tu dis pas une prière ? demanda l’un d’eux.
    En guise de réponse, l’autre partit d’un rire sonore et ils retournèrent à la carriole, échangeant des plaisanteries que le vent emporta.
    — Je n’ai jamais vu un enterrement aussi expéditif, chuchota Eleonor en se redressant. Sans même une prière ni une croix.
    — Nunc pulvis et cinis , maintenant poussière et cendre, murmura Hugues. Les croix ne sont pas si fréquentes. Non, ce qui m’étonne le plus, c’est que les religieux et leur supérieur n’aient pas accompagné frère Paul à sa dernière demeure. C’est la règle. Venez ! Allons voir ça de plus près.
    Le cimetière n’était qu’une étendue de bruyères et d’herbes folles cernée d’un muret de pierres sèches. Une plaque de pierre ancienne en occupait le centre. Hugues se pencha pour essayer de déchiffrer

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