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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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l’inscription rongée par les intempéries.
    — II est question de Jovinien, Minervius, Léonce et Théodore. Sans doute des ermites qui vivaient dans l’île, il y a bien longtemps.
    — Et ça, qu’est-ce que c’est ?
    Eleonor désignait des tombes fraîches. Deux près de l’endroit où les moines avaient jeté la dépouille de frère Paul, une à l’écart près de là où ils avaient fait basculer le corps du marin.
    — Quand donc frère Dreu nous a dit qu’a été fondée cette communauté ? demanda Hugues.
    — Cinq ans, je crois. Peut-être six.
    — Cinq ans, et ils étaient douze moines.
    — Oui, c’est le nombre minimum, nous a-t-il dit, pour créer une abbaye fille. Douze.
    — Douze, répéta Hugues, essayant de se remémorer le nombre de moines qu’il avait croisés. Plus frère Grégoire qui est arrivé après, soit treize moines. Et Dreu n’a pas parlé de décès. J’ai croisé l’abbé, le camérier, le cellérier, l’hôtelier, le novice Benoît, le portier, l’infirmier, j’ai vu aussi un sacristain et un
    I sous-sacristain, frère Paul, le chancelier Osmond. i Cela fait onze.
    — Vous oubliez le cuisinier et ce solide gaillard qui est venu chercher le cadavre du marin...
    — Frère Iñigo, cela fait treize, et le moine Thierry, celui qui a remplacé Benoît ce matin, quatorze.
    — Un de trop, donc.
    — Non, Eleonor, trois de trop. Apparemment, les moines ont partagé le cimetière en deux. L’une des parties est réservée aux religieux, c’est là qu’ils ont mis Paul, l’autre aux laïcs, ils y ont placé notre marin.
    — Pourquoi trois de trop ?
    — Nous avons deux tombes fraîches du côté religieux.
    — Et celle là-bas, à côté du marin ? Ce pourrait être des gens de la ferme ou des pêcheurs ? De toute façon, nous ne savons pas si d’autres moines sont venus depuis.
    — Non, nous ne savons pas...
    Le visage d’Hugues se ferma davantage.
    — Tancrède m’a dit avoir croisé un moine errant comme un sauvage. Cela ferait donc quatre moines de trop. Venez, Eleonor, ne restons pas ici.
    Hugues lui fit signe de le suivre.
    — L’hôtellerie n’est pas de ce côté. Je ne comprends rien à tout cela. Mais où allons-nous ?
    — Au camp.
    Eleonor s ‘ arrêta :
    — Si vous vous expliquiez, maintenant.
    — Je n’ai que des pressentiments, Eleonor.
    — Mais vous pensez qu’il y a danger.
    — Sans doute.
    — Et c’est pour cela que vous m’éloignez ?
    Eleonor avait pris un air buté qui n’augurait rien de bon.
    — Pourquoi vous obéirais-je ?
    — Parce que je vous le demande, répondit calmement Hugues.
    Il y avait tant d’assurance dans sa voix qu’au lieu de s’apaiser, Eleonor se sentit bouillir. Elle jeta :
    — Vous avez oublié l’archer qui vous a sauvé la vie, messire. Je vous remercie de votre sollicitude, mais je sais me battre s’il est besoin et je ferai ce que je juge bon...
    Hugues lui saisit le poignet avec fermeté mais sans violence, un geste qui tenait plus de l’étreinte que de la contrainte.
    — Ne m’obligez pas à vous confier aux gardes d’Hakon ! lança-t-il, les dents serrées.
    Puis plus bas, comme un aveu de faiblesse :
    — Rien ne doit vous arriver, Eleonor. Je ne le supporterais pas.
    Le temps sembla se figer, les sons s’effacer. Hugues et Eleonor, le souffle court, se regardaient. La tension était si palpable, les yeux noirs de l’Oriental si emplis de passion contenue et de désespoir que la jeune femme se mit à trembler.
    Hugues lâcha brusquement son poignet, comme s’il ne s’était rendu compte qu’à l’instant qu’il le serrait entre ses doigts.
    — Pardonnez-moi, dit-il en détournant les yeux. Je sais que je n’ai pas le droit. Que je n’ai aucun droit. Que je ne peux rien demander ni rien attendre. Je vous jure que j’ai tout fait, même essayer de vous haïr... Mais plus je m’y appliquais, plus je vivais en vous.
    Bouleversée, Eleonor restait muette, elle aurait voulu crier, pleurer, frapper Hugues autant que l’enlacer. Les émotions et les mots se bousculèrent, et elle bredouilla pêle-mêle :
    — Je vais au camp.
    Un éclair stria le ciel, les baignant un instant de son éclat métallique.
    — Merci, dit l’Oriental d’une voix tragique.
    Tancrède, qui était parti à la recherche de son maître, s’était arrêté net sur le sentier. Il l’avait aperçu face à Eleonor au milieu du chemin. Le vent lui avait porté

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