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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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l’écho de leurs voix, des voix qu’il n’avait pas reconnues. Il était resté pétrifié, avalant avec peine sa salive. Une étrange douleur lui fouaillait le corps. Jalousie. Il était jaloux d’Hugues de Tarse. Jaloux de l’homme qui lui avait tout appris, qu’il aimait plus que tout, qu’il considérait comme son père.
    Il se traita d’insensé. Se maudissant aussi pour son orgueil. Comment avait-il pu penser qu’Eleonor le regardait avec amour ? Simplement parce qu’ils étaient jeunes tous deux ? S’il réfléchissait bien, jamais elle n’avait eu le moindre geste, autre que de sympathie. Et il était allé s’imaginer... A nouveau la douleur. Il en aurait pleuré de rage. Soudain, la phrase qu’Hugues avait prononcée à Cales Coves lui revint : J’ai trouvé ce que je ne cherchais pas... Et je vis désormais dans un corps étranger.
    — Quel aveugle et quel sot ! s’emporta-t-il, furieux contre lui-même. Mon maître est amoureux d’elle. Et moi qui croyais qu’il la détestait... Et elle l’aime, c’est sûr. Comment ne pas l’aimer ?
    Là-bas, les deux silhouettes s’étaient remises en marche et venaient de son côté. Tancrède se jeta dans les buissons, attendant qu’ils le dépassent pour se montrer à nouveau.
    Devant lui s’ouvraient deux chemins. Perdu dans ses pensées, il en suivit distraitement un, sans remarquer que la pluie commençait à tomber, mouillant son visage et ses habits. Enfin, il s’arrêta. À quelque distance se dressait une tour de pierre au sommet de laquelle brûlait un feu. Il était arrivé au faro gardé par les moines. De là, la vue s’étendait vers la pleine mer et il scruta le large, les flots aussi noirs que le ciel.
    La pluie le cinglait, brouillant sa vue. Pourtant, au loin, il lui semblait apercevoir la forme élancée d’un navire. Il s’essuya les yeux, doutant de lui-même, puis jura. Un éclair avait strié le ciel et Tancrède avait reconnu le paro. Les pirates. Le Diable de la Seudre. Il était revenu, il attendait qu’ils lèvent l’ancre. À moins qu’il ne projette d’attaquer.
    Tancrède repartit en courant.

 
    40
    Malgré la houle qui s’était levée et les nuages noirs annonçant la tempête, le paro vert pâle gardait sa position au large de l’île de Cabo Ros. Habilement guidé par son pilote, le petit navire de combat, après une brève escale à Marseille, avait filé sans hésiter vers Toulon puis les îles d’Or.
    — Que devons-nous faire ? demanda le capitaine que l’approche du mauvais temps inquiétait.
    — On attend, déclara Richard dont l’œil perçant scrutait les contreforts de l’île.
    — La tempête va bientôt se lever, mon maître, insista le Calabrais. Il ne faudrait pas qu’elle nous drosse sur les récifs.
    — Rajoute une ancre à l’avant, ordonna Richard.
    L’homme avait rejoint le paro à l’escale de Marseille.
    Il était l’un des nombreux frères de Rohard, un frère avec des allures de bourgeois et un parler choisi. Un frère qui, avant d’être pirate, avait navigué sur des navires marchands et qui, grâce à cela, dirigeait les manœuvres avec assurance. Le capitaine lui obéissait, content d’avoir affaire à celui-là plutôt qu’à un autre. Richard était amariné et même s’il était aussi féroce que les autres membres de la fratrie, il n’avait pas les accès de violence qui caractérisaient le Diable de la Seudre.
    — Tu peux dire aux hommes qu’ils mangent et se reposent, reprit Richard. Mais pas de boisson ! Vérifie les canots, je veux qu’ils soient prêts pour le débarquement.
    — Cela sera fait, répondit le marin en s’inclinant. Mais quand débarquerons-nous ?
    — Ne sais-tu donc toujours pas à qui tu as affaire, le Calabrais ? Il n’y a qu’un maître ici et c’est le Diable ! Tu le sauras quand il le jugera bon, pas avant.
    À cette remarque cinglante, le capitaine avala sa salive, se reprochant d’avoir posé une question dont il connaissait la réponse. Il y avait fort à parier que Richard lui-même ignorait les plans de Rohard. Le Diable ne partageait son pouvoir avec aucun et pour lui sa fratrie avait seulement plus de devoirs que quiconque. Il murmura :
    — Pardon, maître.
    — Oui, oui ! s’adoucit Richard. Quand tu auras fini ton ouvrage, tu auras quartier libre, toi aussi.
    — Merci, maître.
    Le Calabrais se détourna pour donner ses ordres. Des pirates se précipitèrent, et bientôt une nouvelle

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