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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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arriverait à attraper quelques lapins pour améliorer leur ordinaire, au Bigorneau et à lui-même. L’excitation de celui-ci l’avait agacé. Bavant et bégayant, il avait expliqué qu’il avait déjà vu le religieux, mais Bertil n’avait pas réussi à lui faire dire si c’était sur l’île ou ailleurs. Quant à l’attitude du chien, elle pouvait s’expliquer par le fait que la bête ne supportait plus d’être à l’attache. Elle avait sauté sur cet homme-là comme elle aurait sauté sur un autre. Pour qu’on la laisse libre comme avant.
    C’est du moins ce que se répétait Bertil tout en installant son lacet sous les buissons. Un bruit de voix le fit s’immobiliser. Deux hommes venaient de ce côté. Au lieu de se montrer, il s’aplatit dans la boue, poussant une branche pour essayer de voir qui venait. Une pluie glacée lui coula dans le cou. Deux silhouettes enveloppées de mantels à capuche s’étaient arrêtées dans la clairière tout près de lui.
    — Tu en as mis un temps, remarqua l’une d’elles.
    — Croyez bien que si j’avais pu aller plus vite... ! fit l’autre.
    — Où sont les coffres ?
    Bertil ne saisit pas la réponse, mais un frisson lui passa sur l’échiné. Lui qui s’imaginait surprendre quelque échange de marchandises volées, vin ou viande séchée... Il aurait voulu disparaître. Au lieu de cela, il entendit la voix la plus claire demander :
    — Combien d’hommes pour les protéger ?
    — Quatre gardes qui se relaient et, pendant la nuit, leur chef qui dort à l’intérieur. Et puis, ils sont au centre du camp. Et il faut y arriver. Les marins patrouillent eux aussi.
    — Tu vas donc nous aider.
    L’autre secoua la tête. Un éclair déchira le ciel, aussitôt suivi d’un coup de tonnerre qui étouffa la réponse de l’autre.
    — Tu es sûr ?
    — Je veux mon argent.
    Un long moment passa pendant lequel les deux hommes se turent. La pluie tombait de plus en plus dru. Bertil frissonna.
    — Tiens, prends ça ! Le compte y est.
    Soulevant les plis de son habit, l’homme avait dévoilé la bourse qu’il portait au côté. Alors que l’autre se penchait pour la saisir, il lui planta son couteau dans le ventre, remontant l’arme d’un geste sec.
    — Tu pensais tout de même pas que j’allais te payer, maraud !
    Le sang avait giclé, éclaboussant le buisson sous lequel s’abritait le garçon. Le cadavre bascula en avant, Bertil ferma les yeux, étouffant un cri.

 
    LA PART DU DIABLE

 
    42
    Cela faisait un moment déjà que frère Henri s’était glissé sans bruit dans l’alcôve, tirant à lui un tabouret pour s’asseoir aux côtés de Magnus le Noir. Immobile, les paupières mi-closes et les mains jointes comme en prière, il fixait le blessé. La pluie tambourinait avec violence sur le toit de la bergerie, et c’était le seul bruit avec le raclement monotone du balai de frère Thierry sur le dallage.
    Les cheveux de l’Orcadien avaient poussé sur son crâne rasé et une barbe rousse dissimulait ses cicatrices. Sa poitrine serrée de bandages se soulevait avec régularité et, même si ses paupières restaient obstinément fermées, le gris cendreux de sa chair qui, trop souvent, annonce la venue de la mort, s’en était allé.
    Frère Grégoire entra dans l’alcôve et tressaillit à la vue du camérier.
    — Je ne vous savais pas là, balbutia-t-il.
    — Cela vous gêne ?
    — Non, non, bien sûr, protesta le gros infirmier qui alla au chevet du jarl et retourna le sablier qu’il y avait posé.
    — Il est juste que je suive avec attention les soins que vous donnez à cet homme. Vous savez à quel point sa santé m’importe.
    Le moine ne répondit pas. Essayant de dissimuler le tremblement de ses mains, il s’affairait autour du blessé, soulevait ses paupières, posait son oreille sur sa poitrine, défaisait les bandages pour voir l’état de la plaie...
    — Vous le savez ? répéta Henri.
    Et sa voix était si sèche, le ton si menaçant que l’infirmier sursauta comme s’il l’avait frappé.
    — Vous savez bien que je fais tout ce que je peux, répliqua-t-il. Il va déjà mieux, reconnaissez-le.
    — Je ne sais rien, mais si j’avais le moindre doute sur votre talent de mire...
    Le camérier n’acheva pas sa phrase et Grégoire resta planté devant lui, figé par la peur comme une souris devant un chat.
    — Vous avez retourné votre sablier, remarqua Henri, n’est-il pas temps de lui donner

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