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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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vous en prie. Je ne serai pas long. Mais d’abord, j’ai besoin de savoir où nous en sommes de la réparation des navires, Harald ou Knut ?
    Personne ne s’offusqua de sa brusquerie. Ce fut Knut qui se leva :
    — Grâce au camérier, nous avons obtenu une poutre de bonne taille pour le mât du knörr. Il est prêt. Les bordées sont comme neuves, j’ai même changé celles que j’avais rafistolées à Cales Coves et j’ai taillé des avirons et des espars supplémentaires.
    — Avez-vous fait aiguade ?
    — Oui, répondit Harald. Les tonneaux et les outres de peau sont pleins.
    — Pour moi aussi, répondit Corato.
    — Les provisions ?
    — Le cuistot a préparé du poisson en saumure et a fumé des lanières de lapin pour les deux équipages, répondit à nouveau le petit capitaine. Il n’y a pas grand-chose d’autre sur l’île.
    — Nous pouvons donc lever l’ancre à tout moment ?
    — Il faut hisser le nouveau mât à bord du knörr et le fixer dans la calengue et après oui, sans problème, répondit Harald.
    — Alors Knut, dès que nous en aurons fini ensemble, il faudra vous y atteler. Le knörr doit être prêt à reprendre la mer.
    — Bien.
    — Mais pourquoi ? demanda Corato qui ne comprenait pas l’empressement de l’Oriental.
    — Je vais vous expliquer.
    Il allait poursuivre, quand un bruit de pas précipités retentit dehors. Une main écarta la toile.
    — Le tocsin ! Le monastère sonne l’alerte, messire ! s’écria le marin qui venait d’entrer.
    — Les choses se précipitent donc, remarqua Hugues. Faites sonner l’alerte, Hakon ! Et que tous les marins s’arment. Je veux plusieurs patrouilles et l’un de vos guerriers à la tête de chacune d’elles.
    Il se tourna vers le chariot où reposaient les coffres.
    — Quant à eux, vous feriez mieux de les faire porter sur l’esnèque. Ils y seront plus en sécurité qu’à terre.
    — Bien, fit Hakon qui sortit aussitôt de la tente pour donner ses ordres.
    — Devons-nous remettre les navires à la mer malgré la tempête ? demanda Harald. La mer est mauvaise et les écueils nombreux, il me faudrait les ancrer très au large.
    — Faites que tout soit prêt pour les remettre rapidement à l’eau, mais nous attendrons encore.
    — Si vous nous expliquiez ce qui se passe, insista Corato.
    — J’ai tout lieu de croire, capitaine, que nous sommes tombés dans un piège. Une nasse qui s’est refermée sur nous.
    — Une nasse ?
    — Le moine mort, le canot défoncé, peut-être ne sommes-nous pas les seuls à être pris dans la nasse ? remarqua Pique la Lune.
    — Que voulez-vous dire par le canot défoncé ? s’étonna Hugues.
    — À côté du cadavre de frère Paul dans cette anse du Cimetière, ainsi que les moines l’appellent, il y avait un canot dont le fond a été défoncé à la hache.
    — Le camérier a dit qu’ils avaient perdu un canot, remarqua Harald. D’après eux, il se serait détaché.
    — C’est faux, protesta le Breton. Je sais reconnaître la marque d’un fer. On l’a volontairement détruit.
    — Sans doute pour empêcher que quiconque déserte l’île, remarqua Bjorn de Karetot.
    — Et ces fermiers qui se cachent quand nous arrivons, insista Pique la Lune. L’autre jour, en allant pêcher, j’ai croisé la femme. Une pauvre vieille qui s’est enfuie comme si j’étais un démon.
    — Et pourquoi le monastère sonne-t-il le tocsin ? fit Corato.
    La voix de Bjorn s’éleva à nouveau :
    — Où est messire Tancrède ?
    — À la bergerie, ou au monastère.
    — Mon Dieu, c’est vrai, messire, il faut aller le chercher, lui et les blessés ! s’écria Eleonor.
    — Du calme, tous ! ordonna Hugues. Écoutez-moi ! Le silence retomba dans la tente, juste troublé par les appels des trompes et l’agitation des hommes qui prenaient les armes.

 
    44
    Bertil releva enfin la tête. Il n’y avait plus d’autre bruit que celui de la pluie qui frappait les feuilles et coulait en ruisseaux glacés dans son col. Il se glissa à quatre pattes sous les branches détrempées et se redressa à quelques pas du cadavre.
    L’homme gisait face contre terre, enveloppé dans son pluvial. Le rouquin déglutit. Tout s’était passé si vite ! Il avait dû mourir sur le coup et à voir le sang et les viscères qui s’échappaient de son flanc, la blessure devait être terrible. Bertil éternua, secoué de frissons.
    — Il faut que tu bouges !

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