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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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de l’hôtelier serait sévère, mais peut-être le laisserait-il rejoindre les défenseurs ? Et, une fois là, il dirait à Tancrède ce qu’il avait découvert. Il le fallait.
    L’hôtelier, qui l’avait consigné à la garde de l’abbé, se tourna vers lui :
    — Vous rompez la règle de silence, mon frère. Vous avez la tête dure. Quant à savoir ce qui est le plus utile, permettez-moi d’en juger. Notre abbé a besoin d’aide, vous resterez avec lui.
    — Mais vous l’avez enfermé à clef... Et ici, il ne craint rien.
    Il avait vu l’officier boucler l’abbé à double tour et accrocher la clef à un clou au mur du dortoir.
    — Suffit ! Ou je vous fais donner les verges et jeter dans le logement séparé avec le novice.
    Le jeune moine baissa la tête. L’officier avait déjà rejoint les autres.
    Une seconde volée de flèches atterrit en sifflant dans la cour. Dreu entendit les cris de guerre des guerriers fauves et de Tancrède. Il apercevait les moines qui jetaient des pierres par-dessus la muraille. Un hurlement retentit et un religieux s’écrasa sur le sol de la cour, une flèche en travers de la gorge. Un dernier frémissement l’agita puis il se raidit, les yeux révulsés. Il était mort.
    Dreu hésita à aller chercher le corps, mais une troisième volée de flèches l’en dissuada. Il battit précipitamment en retraite, repoussant le battant. Une fois à l’abri, il se mit à aller et venir d’un pas rageur. Il fallait qu’il prévienne Tancrède mais ne voyait pas comment et puis, avec la défense du monastère à assurer, le Normand ne lui prêterait aucune attention. Pourtant il fallait qu’il sache. Mais qu’il sache quoi ? Que frère Iñigo n’existait pas ? Que certains moines avaient perdu la mémoire ? Qu’ils ignoraient les textes saints et les rites ? Que, sans doute, quelque chose ou quelqu’un avait tué frère Paul ? Il savait tout cela, mais il était incapable de l’expliquer.
    Au-dehors, la bataille faisait rage, ponctuée de cris de souffrance et d’appels au combat. Désespéré, le petit moine finit par s’asseoir sur une paillasse, la tête entre les mains.
    Pourquoi n’arrivait-il pas à comprendre ? Mais il n’avait pas l’intelligence d’Hugues de Tarse. Il avait besoin de temps. « Plus lent qu’un âne », disait son père en se moquant de lui et c’est pour cela et pour sa haine de la violence et des armes qu’on l’avait fait moine au lieu de lui confier le château familial. Pourtant, il était l’aîné. Mais son cadet était vif, intrépide, et si semblable à leur père ! Même sa mère l’avait trahi. Sa mesnie s’était débarrassée de lui en le cloîtrant. Il n’y avait pas trouvé le bonheur mais une certaine forme de sérénité.
    Un bruit de chute et des hurlements dans la pièce voisine brisèrent net le cours de ses pensées et le firent bondir sur ses pieds. Il se précipita et posa son oreille sur le battant.
    Il entendait le son déformé d’une voix et des meubles qui se fracassaient comme si on luttait. Les pirates avaient-ils réussi à entrer dans la salle du chapitre par quelque mystérieux passage ? Dreu regarda autour de lui et, avisant la canne de marche d’un moine, la saisit, attrapa la clef et ouvrit la porte en grand.
    Le spectacle le laissa figé sur le seuil. La canne lui échappa des mains et rebondit bruyamment sur le sol.
    Hurlant comme un damné, l’abbé se battait contre... les meubles. Des parchemins voletaient en tous sens avec des feuillets déchirés de la Bible. Censius éructait, bavait et brisait tout. Il était seul. Absolument seul.
    — Messire abbé ! cria Dreu. Arrêtez !
    Mais Censius ne l’entendait pas. Il avait saisi une chaise et hurlait en la faisant tournoyer au-dessus de sa tête comme une masse d’armes.
    — Allez-vous-en ! hurlait-il à d’invisibles ennemis. Allez-vous-en ! Laissez-moi ! Au secours !
    Dreu avala sa salive. L’abbé était devenu fou. Et il allait falloir le maîtriser avant qu’il ne se blesse lui-même. Le moine réfléchit, puis fila vers le dortoir où il s’empara d’une couverture qu’il plaça devant lui comme le filet d’un chasseur.
    Après deux ou trois essais infructueux pour saisir son supérieur, Dreu réussit à encapuchonner sa tête et à l’entraîner dans sa chute. Maintenu par les bras du moine, aveuglé par le tissu, l’abbé continuait à se battre. Enfin sa tête alla cogner contre le dallage et il

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