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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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écopait comme un furieux alors que le canot, malgré les efforts de Mario pour le maintenir face aux lames, embarquait de plus en plus de vagues.
    Devant eux, cernée d’écume, la silhouette de Porcayrolas, la seconde des îles d’Or, était soulignée par une tache de soleil d’autant plus lumineuse que, tout autour, la mer comme le ciel viraient au noir.
    — Faut éviter la passe des Grottes, marmonna le pilote pour lui-même. Nous allons essayer d’accoster à la calanque du Vaisseau, au sud de l’île.
    Le petit canot avait doublé la passe quand une lame plus haute que les autres le souleva. La suivante le prit par le travers et le retourna, expédiant ses passagers à l’eau. Ne sachant pas nager, Mario se débattit, affolé, buvant la tasse, incapable même d’attraper l’aviron qui passait non loin de lui.
    Enfin, alors qu’il coulait alourdi par ses vêtements, les doigts du Calabrais réussirent à l’agripper et à le tirer vers la surface. Calant son ami contre lui, le capitaine essaya, luttant contre le courant, de l’entraîner vers le rivage. Il s’acharna longtemps, avançant et reculant à chaque nouvelle lame. Les bras engourdis par le froid. Le cœur soulevé par une nausée de fatigue.
    — Mario, reviens à toi, il faut que tu m’aides, supplia-t-il. Je ne vais plus pouvoir tenir longtemps. Mario !
    Il n’y eut pas de réponse. C’est alors qu’il réalisa, relevant le menton de Mario, que celui-ci ne répondrait plus jamais. Il s’était noyé.
    Les vagues se levaient de plus en plus hautes et lui cachaient la côte. Et soudain, le Calabrais renonça. Il revoyait son équipage disparu, le mousse, tous ces morts qui les avaient précédés... Il se revoyait en train de massacrer les gardes sur le pont du paro. Il se signa, attacha sa ceinture à celle du pilote et s’abandonna.
    Assommé, roulé par les lames, il coula bientôt tout droit vers l’abîme, enlacé à son compagnon.

 
    52
    Depuis le départ de Richard, tout le monde au campement normand était sur le qui-vive. On avait posé la tête du malheureux abbé sous un cairn en attendant une sépulture plus digne de lui. Les gardes patrouillaient et, du haut des arbres, les guetteurs surveillaient le vallon et les collines environnantes.
    Sous la tente du jarl, Hugues de Tarse allait et venait tel un fauve en cage. Eleonor, qui venait d’entrer, s’était arrêtée sur le seuil. Autant son impassibilité alors même qu’on jetait à ses pieds la tête du malheureux abbé l’avait impressionnée, autant elle le voyait maintenant témoigner d’une terrible angoisse.
    Il finit par s’immobiliser, parlant soudain en grec comme il le faisait chaque fois que quelque chose le troublait :
    — Et s’il le tuait ? S’il les tuait tous ?
    Puis il se remit à marcher, ignorant le regard posé sur lui.
    — Hugues, appela-t-elle doucement.
    Perdu dans ses pensées, l’Oriental ne réagit pas.
    — Hugues de Tarse, répéta-t-elle plus fort.
    Il leva enfin les yeux et s’aperçut qu’il n’était plus seul dans la tente. Il remarqua qu’Eleonor avait revêtu une broigne de cuir et qu’elle portait à l’épaule son arc et son couire empli de flèches aux empennages blancs.
    — Il faut que je vous parle, insista-t-elle.
    Il aurait voulu lui dire non, au lieu de cela, il s’approcha d’elle.
    — Vous ne pouviez faire autrement avec ces pirates, Hugues de Tarse, déclara-t-elle d’une voix ferme. Pas avec à leur tête un homme comme le Diable de la Seudre. Je suis sûre qu’il va tomber dans le piège que vous lui avez tendu. Mais il faut lui en laisser le temps. Gardez confiance, je vous en conjure.
    — Mais si je me suis trompé ? lâcha soudain Hugues.
    Il y avait un désespoir terrible dans cette question. Un désespoir que l’Oriental n’arrivait plus à maîtriser. L’idée que l’on puisse, à cause de sa décision ou de son orgueil à ne pas céder, torturer ou tuer Tancrède, le jarl et les religieux lui était insupportable. Cette attente interminable, aussi.
    — Alors nous nous battrons, Hugues, et nous vengerons les nôtres ainsi que vous l’avez promis, répliqua-t-elle.
    Était-ce de la sentir si forte ? De la savoir à ses côtés ? Car elle le serait, il en était certain, comme pendant la bataille sur le pont du knörr. Hugues sentit s’évanouir ses doutes. Au même moment retentit le son du cor et, presque aussitôt, un garde souleva la portière de toile et

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