La nièce de Hitler
rigidité cadavérique et le devant de sa robe était inondé
de sang noirâtre qui s’étalait du sofa jusqu’au lit à baldaquin. On ne voyait
aucune empreinte de pas. Une clé était encore dans la serrure à l’intérieur, ce
qui était une bonne chose. Hess alla jusqu’à la chambre d’Hitler, prit la clé
qui était sur sa porte, constata qu’elle allait dans la serrure de Geli, et
referma sa porte à clé depuis le couloir.
Le Führer regardait les voitures dans
Prinzregentenplatz en buvant une infusion de pelures d’orange, et semblait
plutôt placide, mais un terrible éclair de folie passa dans ses yeux lorsque Hess
lui tendit la clé.
— Où sont Schaub et Hoffmann ? demanda
Hess.
— À Nuremberg, dit le Führer. Hôtel
Deutscher Hof.
— Nous vous emmènerons hors d’ici dès que
les autres arriveront, lui dit Hess.
C’est un par un qu’Heinrich Himmler, Max Amann,
Franz Xaver Schwarz, et Baldur von Schirach les rejoignirent dans l’appartement.
Le Führer n’étant pas encore tout à fait lui-même, Himmler l’emmena dans son
bureau du siège du parti pendant que les autres messieurs de la Maison brune se
réunissaient dans la bibliothèque pour mettre au point une histoire.
Les époux Winter et Anna Krimair, la femme de
journée, arrivèrent environ quinze minutes plus tard, à neuf heures, et
trouvèrent les quatre dignitaires nazis en pleine discussion orageuse.
— Que s’est-il passé ? demanda Georg
à Max Amann.
— Nous n’avons pas encore décidé, lui
fut-il répondu.
Ils prirent leur décision dans les minutes qui
suivirent, et Baldur von Schirach appela Adolf Dresler à la Maison brune pour
échafauder un communiqué de presse disant qu’Adolf Hitler avait annulé son
discours à Hambourg et était profondément affecté par le suicide d’Angelika
Raubal, sa nièce, laquelle habitait une pièce meublée dans un immeuble de
Bogenhausen où Hitler possédait un appartement.
Dans le même temps, Rudolf Hess expliquait aux
membres de l’état-major qu’un scandale causerait la perte du parti, et que s’ils
avaient foi en Hitler, haïssaient les communistes et les Juifs autant que lui, et
fondaient leurs espoirs dans une Allemagne glorieuse où on ne manquerait de
rien, ils devaient mettre de côté leurs scrupules mesquins et fournir à la
police des déclarations analogues. Tous furent d’accord, mais on leur donna
leurs instructions si vite que soit leurs histoires ne concordaient pas, soit
elles concordaient tellement qu’elles semblaient avoir été apprises par cœur.
Puis Amann tendit le téléphone à Hess, qui
entendit Himmler hurler que Göring, Goebbels et lui pensaient que qualifier de
suicide le fâcheux incident qui était arrivé à la nièce d’Hitler pourrait
causer autant de dégâts au parti que dire que c’était un meurtre. Pourquoi
voudrait-elle, elle qui connaissait si bien son oncle, mettre fin à ses jours ?
Le fait de vivre près du Führer n’aurait-il pas dû la rendre heureuse et
optimiste ?
Schirach rappela Adolf Dresler pour lui
demander de changer le communiqué de presse et dire qu’il s’agissait d’un « lamentable
accident », et qu’elle s’était tuée en manipulant le pistolet ; mais
c’était trop tard, le premier communiqué avait été diffusé. Schirach dut dire à
Hess que cette version ne pouvait plus être changée et ils discutèrent d’un
motif de suicide n’impliquant pas le Führer. Elle s’était rendu compte, décidèrent-ils,
qu’elle n’était pas une bonne chanteuse. Elle était vexée et elle avait honte.
Lorsque Max Amann appela l’hôtel Deutscher Hof,
on l’informa que les amis d’Hitler venaient de partir. Un chasseur fut envoyé
en taxi pour les arrêter.
Après avoir donné à Anni Winter la tasse et la
soucoupe du Führer à laver, Rudolf Hess courut dans le couloir pour foncer sur
la porte fermée à clé de Geli, mais elle tint bon. Si l’on en croit Ilse Hess, Georg
Winter alla chercher un tournevis qu’il inséra entre le montant et la serrure
tandis que Hess se jetait à nouveau sur la porte. Cette fois elle céda, mais
Hess se fit mal à l’épaule droite.
Franz Xaver Schwarz étant à la fois conseiller
municipal et trésorier du parti, ce fut à lui qu’il incomba de téléphoner aux
policiers et de les recevoir quand ils arrivèrent. Maria Reichert emmena sa
mère chez des amis au rez-de-chaussée, donc celle-ci ne fut pas interrogée sur
les événements
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