La nièce de Hitler
York, qu’il était retourné
en Allemagne pour faire une thèse sur l’histoire du XVIII e siècle, qu’il était allemand par son père et américain par sa mère et
que son grand-père, un général de la guerre de Sécession, avait tenu les
cordons du poêle à l’enterrement d’Abraham Lincoln.
Angela pensa que ce nom lui disait quelque
chose ; elle jeta un œil perplexe à Geli. Lincoln ?
— Un
président américain, dit Geli sans détacher son regard admiratif de Putzi.
— C’est bien ce que je pensais.
Mais Angela n’avait pas fini de se sentir
laissée de côté. Geli flirtait avec Putzi de façon éhontée, gloussant sottement
au plus petit trait d’humour, ne ratant pas une occasion de lui toucher les
mains, lui témoignant une admiration flatteuse.
— La première fois que j’ai rencontré
votre oncle, c’était à la brasserie Kindl Keller. Je nourrissais quelques
doutes envers lui et son programme, mais j’ai été totalement conquis par son
style oratoire. Et je me suis rappelé quelque chose que le président Teddy
Roosevelt m’avait dit il y a longtemps, lors d’une visite dans son domaine de
Sagamore Hill. Il m’avait dit que, si dans le cadre de ma profession, j’avais
raison de n’acheter que les œuvres les plus belles, je devais me souvenir qu’en
politique on est souvent obligé de choisir le moindre mal. C’est pourquoi j’ai
adhéré au parti.
— Le moindre mal, dit Angela. Drôle de
compliment !
Mais Hanfstaengl était trop absorbé par Geli
pour l’entendre.
Il racontait que sa femme Helena et lui
avaient décidé de prendre Hitler sous leur aile, qu’ils avaient amélioré son
apparence, lui avaient trouvé un smoking et un bon tailleur, lui avaient appris
comment se tenir à table, et interdit d’ajouter quatre cuillerées de sucre dans
l’un des meilleurs gewürtzstraminer du prince Metternich.
— Mais je n’ai pas encore réussi à lui
faire changer cette moustache en forme de timbre-poste. Il ressemble à un
maître d’école ou à un employé de banque qui vit avec sa mère.
Il dit également qu’ils avaient mis leur salon
à la disposition d’Hitler pour ses lectures de l’après-midi, qu’ils l’avaient
invité à des réceptions avec leurs amis fortunés, lui avaient remonté le moral
en jouant des préludes de Wagner au piano « avec des fioritures
litsztiennes et un joli rythme romantique ».
Le maître d’hôtel lui resservit du café, et il
continua son récit.
— Dans les premiers temps de son
incarcération à Landsberg, Hitler a voulu suivre l’exemple du Sinn Fein
irlandais et entreprendre une grève de la faim. Roder, son avocat, a contacté
ma femme, et Helena a envoyé de suite un message à Adolf, lui disant qu’elle ne
l’avait pas empêché de se suicider à Uffing pour qu’il meure de faim dans la
forteresse. N’était-ce pas exactement ce que ses ennemis voulaient ? Voyez-vous,
Hitler a tant d’admiration pour ma femme que ses conseils ont renversé la balance,
et il se porte beaucoup mieux à présent.
— Vous avez toute notre reconnaissance, dit
Geli.
— Et vous, toute mon admiration, répondit-il
en s’inclinant.
— Vous restez longtemps à Vienne ? demanda
Angela.
Geli lui lança un regard furieux, comme si sa
mère avait étourdiment jeté de l’eau froide sur un gâteau.
— Oh, non ! répondit-il. Qui peut
travailler ici ?
Et il les gratifia de ses observations sur la
gaieté et la frivolité de Vienne, recourant au français pour dire :
« Elle danse, mais elle ne marche pas. »
Ce fut la fille d’Angela qui eut la tâche de
traduire, du haut de ses quinze ans. Ce qu’elle fit, ajoutant sur le ton que
les adolescentes prennent avec leur mère : « C’est du français. »
Puis elle sourit à Putzi.
— Dites quelque chose en anglais.
Hanfstaengl réfléchit un instant.
— Vous m’avez l’air d’une sacrée coquine,
dit-il en anglais.
Geli sourit à Angela, ignorante et fascinée.
— Tu as compris ?
Angela secoua la tête.
— Je lui ai dit qu’elle n’était pas laide,
expliqua Hanfstaengl.
— Oui, c’est vrai, en effet, dit Angela
en regardant Geli d’un air sombre.
C’est seulement alors qu’il se tourna vers la
mère de Geli.
— On entend souvent dans la bonne société
des ragots sur Hitler et des femmes superbes, qu’il est amoureux de celle-ci, qu’il
va épouser celle-là, mais je vous assure, Frau Raubal, qu’ils sont
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