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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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absolument
sans fondement.
    — Pourquoi faut-il toujours que l’on m’assure
que ma famille n’a pas de vie amoureuse ? demanda Angela d’un ton sinistre.
    Geli poussa un profond soupir, puis, en guise
d’excuse, battit des cils à l’attention de Putzi.
    — Écoutez, dit-il, nous passons un bon
moment, ce serait dommage de s’arrêter là. Si j’essayais d’avoir des places
pour l’Opéra ?
    Geli faillit crier d’enthousiasme.
    — Vous pourriez, vraiment ?
    — Le concierge de l’hôtel Sacher est
réputé pour trouver des billets, même quand il n’y en a plus.
    Angela le regarda s’éloigner lourdement de la
table en direction du hall de l’hôtel, puis s’adressa à sa fille d’un ton
glacial.
    — Vraiment, tu me choques, Angelika !
    — C’est parce que j’ai une personnalité
très électrique, répondit Geli en souriant.
    — Se comporter comme ça avec un homme
marié !
    — On ne faisait que parler, maman !
    — Tu as quinze ans ! Rien que de
penser à ce que ça sera quand tu en auras vingt, j’en ai la chair de poule !
    — Eh bien, ne pense pas !
    Furieuse, Angela frappa la table du plat de la
main. Les couverts tintèrent et Geli sursauta. Dans tout le café Sacher, des
têtes se tournèrent, étonnées.
    — Tu sais depuis combien de temps je ne
me suis pas amusée ? demanda Geli d’une voix voilée, ses yeux marron
remplis de larmes. Pourquoi tu ne me laisses pas tranquille, juste pour ce soir ?
Cela ne se reproduira probablement plus jamais, poursuivit-elle en reniflant et
en prenant un mouchoir.
    Elle a raison, pensa
Angela qui ne dit plus rien. Elle regarda un couple élégant monter dans une
calèche. Elle finit sa part de gâteau Sacher. Puis celle de Geli. Ernst
Hanfstaengl réapparut alors, tout essoufflé, mais muni de trois billets d’opéra
qu’il tenait triomphalement.
    —  La Veuve joyeuse, annonça-t-il.
    Geli était sûre qu’il se moquait de sa mère, mais
ce fut plus fort qu’elle. Elle éclata de rire.

VI
La forteresse de Landsberg, 1924
    Aux alentours de Noël, les Raubal reçurent une
carte de Ernst et Helena Hanfstaengl, représentant une belle reproduction de La
Madone à la chaise de Raphaël, et disant combien Putzi avait été heureux de
faire leur connaissance à Vienne, et comment, affublé d’un feutre rond et de
faux favoris, il était entré clandestinement en Allemagne en passant par un
dangereux tunnel de chemin de fer près de Berchtesgaden appelé « La pierre
suspendue ».
    Putzi avait joint à la carte un article de
journal sur un tableau vivant qu’un groupe d’artistes avait créé au café Blute
dans le quartier de Schwabing. Intitulé Adolf Hitler en prison, il
représentait une cellule, avec une fenêtre à barreaux derrière laquelle tombait
la neige, et un homme brun assis à un bureau, voûté, la tête dans les mains. Tandis
qu’en coulisses un chœur chantait Douce nuit, sainte nuit d’une voix
suave, une gracieuse femme-ange venait poser sur la table un arbre de Noël
illuminé. Levant des yeux étonnés, le prisonnier montrait son visage « et
la foule réunie dans le café retint son souffle et se mit à sangloter, car
beaucoup pensèrent qu’il s’agissait d’Hitler lui-même ». Quand on ralluma
les lumières, le journaliste vit que quelques hommes avaient les yeux humides
et que les femmes se dépêchaient de ranger leur mouchoir.
    Après avoir lu ce compte rendu à Angela, Geli
fut stupéfaite de voir que sa mère avait le visage baigné de larmes.
    — Mais tu pleures ?
    — Je regrette seulement que vous n’ayez
pas pu connaître un peu mieux votre oncle Adolf, les enfants, dit-elle en s’essuyant
les joues.
    Elle prit la carte des mains de Geli et alla l’exposer
sur le manteau de la cheminée.
    — Et puis j’ai honte que ce soit des
étrangers qui m’aient fait comprendre à quel point mon frère est un homme
admirable. La famille l’a toujours sous-estimé, toujours. Pas étonnant qu’il
soit si distant.
    En février 1924, Adolf
Hitler, Erich Ludendorff, Ernst Röhm et sept autres inculpés furent jugés pour Hochverrat (haute trahison) dans une classe de l’ancienne école d’infanterie.
Hitler fut le premier à être appelé à la barre ; il endossa immédiatement
l’entière responsabilité du putsch, regrettant seulement de ne pas avoir été
abattu avec ses camarades, et confinant « les autres messieurs », y
compris le général Ludendorff qui arborait

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