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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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chaleur du soleil, sentant les perles
d’eau se contracter sur leur peau sous la caresse de l’air qui effleurait leurs
corps comme une soie fraîche. Elles entendaient les hommes de l’autre côté des
buissons, à cinquante mètres, qui faisaient un concours de ricochets. Le frère
de Geli pensait avoir gagné avec cinq rebonds, mais leur oncle, qui détestait
le sport, lança un galet qui toucha l’eau six fois, il fut proclamé vainqueur
et le jeu prit fin.
    — La première fois que je l’ai vu, raconta
Henny, j’avais neuf ans. En 1922. Je faisais mon piano et ça me barbait, quand
j’ai entendu la sonnette de la porte d’entrée. Je suis allée voir qui c’était. Herr
Hitler était là, avec son chapeau mou et son vieux trench-coat blanc, une
cravache repliée à la main, plutôt impressionnante. Je lui ai dit que mon père
était en haut en train de faire sa sieste, et il m’a répondu gentiment qu’il
allait l’attendre. Il a été charmant. Nous avons parlé du piano, et il a fait
taire mes jérémiades en s’asseyant sur le tabouret pour jouer une polka de
Strauss. Tu sais comme il peut être adorable avec les enfants.
    Geli secoua la tête.
    — Non, pas vraiment, dit-elle. On le
connaissait à peine à l’époque.
    — Bref, il l’est. D’ailleurs, j’étais si
flattée de l’attention qu’il m’accordait que je me suis mise à danser la polka
à travers la pièce, mais il a pris un air sévère et il m’a dit d’arrêter et d’écouter.
Alors il m’a raconté de vieilles légendes teutoniques sur des jeunes filles du
Rhin et un méchant nain nommé Alberich ; il faisait tinter les touches du
piano quand il parlait des fées et tapait fort sur les notes graves pour
indiquer la menace et le danger. Mon père s’est réveillé avant la fin de l’histoire
et je me suis mise à bouder. Mais Herr Hitler m’a promis de revenir quand je
ferais mes gammes, et il l’a fait, il lisait ses journaux pendant une petite
heure, et après il jouait des chansons pour me récompenser. C’est à cette
époque qu’il a commencé à m’appeler son rayon de soleil.
    De ses deux mains elle tira en arrière ses
cheveux coupés à la garçonne et les essora.
    — Tu es déjà allée avec lui au Festival
de Bayreuth ? demanda-t-elle.
    — Non.
    Elle raconta qu’il l’y avait emmenée quand
elle avait douze ans. Elle avait dormi chez Siegfried et Winifred Wagner, et vu Parsifal et L’Anneau des Niebelungen.
    —  Tu cherches
à me rendre jalouse ?
    — Oh, tu peux faire ce que tu veux avec
lui à présent, sourit-elle.
    — Je suis sa nièce.
    — C’est ça, fit Henny.
    — Qu’est-ce ça veut dire, « c’est ça » ?
    — Rien, aucune importance.
    Quelqu’un lança une branche dans le lac, et
Geli regarda Prinz suivre sa trajectoire à toute vitesse, bondir comme un fou
dans l’eau pour atterrir dans les roseaux – des phragmites, pensa-t-elle
– puis sortir en pataugeant, le bâton dans la gueule, et se secouer
frénétiquement. Le lanceur non identifié passa tranquillement derrière elles, et
le chien trottina plus loin.
    Elle remarqua qu’elle avait caché son sexe
avec la main et l’avant-bras. Elle se détendit. Henny essayait de dormir. Ses
seins qui rosissaient étaient de la taille d’une coupe à glace, ses jambes de
quinze ans aussi fermes et minces que celles d’un garçon ; elle enlevait
du sable de son pubis d’une main nonchalante. En fermant les yeux Geli voyait
du rouge. Elle sentit un mince filet de sueur se frayer un chemin le long de
son flanc.
    Tout était encore possible. Elle se mit à
imaginer un avenir avec Emil et quatre enfants, un cottage dans la forêt de Wienerwald,
au sud de Vienne. À l’ombre en été. En sécurité. En Autriche. Ou un bel appartement
meublé donnant sur Grillparzerstraße à Vienne, ou entre le Stadtpark et le
Konzerthaus, avec un cabinet médical dans la vieille ville. Et des dîners au
Korso ou aux Trois Hussards. Elle serait pédiatre. Ou vétérinaire. À l’aise, sans
être riche. Ou bien kinésithérapeute dans une station thermale en vogue comme
Semmering. Elle y trouverait un emploi pour tante Paula. Et sa mère pourrait
faire la cuisine. En Autriche. Elle n’aurait peut-être pas épousé Emil, mais un
beau médecin. Bonnes manières, bonne éducation, gentil. Sans goût pour la
politique. Avec des amis qu’elle admirerait. Elle donnerait des dîners pleins
de gaieté, aurait quatre enfants, un

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