Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
Vom Netzwerk:
cours d’une
de ces soirées, et ensuite c’est chez nous qu’il est allé en classe. Hugo lui a
appris à baiser la main d’une dame, et moi à manger un artichaut ou un homard. Pour
lui donner une allure plus virile nous lui avons acheté sa première cravache. J’imagine
que ce sera vous notre prochaine élève.
    — Oh, c’est très aimable à vous, mais je
ne crois pas que cela sera nécessaire, répondit Geli d’un ton glacial.
    Eisa la jaugea un instant avant de riposter.
    — Nous verrons.
    — Vous êtes sûre que vous voulez de moi
dans cette maison ?
    — Tout à fait sûre.
    — J’ai des canaris.
    — Nous avons des chats, répondit la
princesse déchue.
    Leurs yeux combattirent. Eisa fut victorieuse.
Geli fit dériver son regard sur un casque étrusque posé sur un bureau blanc à
cylindre. Elle tâta le luxe de la soie rose sur une chaise du quattrocento.
    — Qu’est-ce que vous gagnez, dans tout ça ?
demanda-t-elle.
    — L’accès à votre oncle, répondit Eisa en
toute franchise.
    — Et oncle Adolf, qu’est-ce qu’il gagne ?
    — Le contrôle, sourit Eisa.
    De sa fenêtre du
troisième étage, elle voyait souvent Emil Maurice qui attendait Hitler devant
chez lui, astiquant un chrome avec son mouchoir, ou simplement debout dans
Thierschstraße, les bras croisés, une cigarette à la bouche, évitant de lancer
le moindre coup d’œil, si rétif ou soudain fût-il, vers la maison crème des
Bruckmann. Toujours méfiant, et vaguement effrayé, Emil semblait à Geli n’être
que prévoyance et géométrie, que calcul des angles et des chances, toute cette
arithmétique rusée et masculine destinée à peser ce qu’il avait à perdre ou à gagner.
Lorsqu’il conduisait Geli quelque part sans son oncle, elle s’asseyait devant
et la main d’Emil touchait délicatement l’intérieur de sa cuisse, serrait un
sein, l’attirait contre lui pour l’embrasser quand la circulation s’arrêtait, et
il lui disait des paroles flatteuses, aimantes et excitantes qui embellissaient
leur avenir. En présence d’Hitler, Emil était froid et silencieux, correct, il
regardait droit devant lui et même orientait le rétroviseur pour ne pas y voir
Geli.
    Dans l’esprit d’Emil elle passait toujours
après son oncle. Un jour Schaub les avait tous conduits à un pique-nique et Emil,
assis à l’arrière de la Mercedes avec elle, grattait les mêmes trois cordes de
sa mandoline tout en chantant d’une voix de fausset qui se voulait ténor une
ballade irlandaise interminable. Hitler finit par se retourner pour lui lancer
d’un ton irrité :
    — Mais ça ne s’arrêtera jamais ?
    Et Emil cessa immédiatement de chanter.
    Une autre fois, ils étaient tous dans un champ
près de Dachau, en compagnie de six autres jeunes gens, à boire une outre de
cidre autour d’un feu et à regarder un épouvantail brûler en retombant dans ses
propres cendres, tandis que la chaleur ridait la nuit au-dessus du feu, et que
des spirales d’étincelles s’élevaient, telles des lucioles rouges. Emil l’avait
embrassée sur la bouche, fort, pour la première fois depuis des jours. C’est
alors qu’un coup de klaxon avait retenti, et elle avait vu son oncle penché à l’intérieur
de sa voiture, une main courroucée sur le klaxon. Emil s’était précipité
aussitôt.
    Son intérêt pour Emil commençait à s’estomper,
et elle le lui dit un jour qu’elle était seule à l’arrière de la voiture, à
attendre Henny devant le studio de photographie Hoffmann. Le visage d’Emil
tomba dans ses bras posés sur le volant, et il lui assura qu’il l’aimait
énormément, qu’il était désespéré, qu’il mourait d’envie de l’avoir toute à lui,
mais qu’elle ne se rendait pas compte à quel point son oncle pouvait être
difficile, cruel et despotique, qu’il pouvait dominer tous les gens qu’il
rencontrait et vaincre les intentions les plus fermes d’un simple signe de
contrariété.
    Geli soupira. Elle lui dit que ce qu’elle
ressentait pour lui n’était peut-être après tout qu’un Schwärmerei, un
béguin.
    — Voilà Henny. Souris, conclut-elle.
    Elle entendit aussi
parler de la tyrannie d’Hitler par Adolf Vogl quand elle commença ses leçons de
chant avec lui en septembre. Geli l’attendait dans son salon, et pour passer le
temps regardait les programmes d’opéra encadrés et les photos légendées
montrant un Vogl en costume et maquillage chromatiques, bedonnant et

Weitere Kostenlose Bücher