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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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l’air
farouche, doté d’une chevelure grise bien fournie et indisciplinée, qui s’était
produit jusqu’à la cinquantaine bien avancée dans le Requiem de Fauré, Les
Amours du poète de Schumann, Fidelio de Beethoven, La Belle
Meunière de Schubert et Élie de Mendelssohn. C’est alors que Vogl
fit une entrée fanfaronne, arrivant de sa salle à manger la bouche encore
pleine, et trouva Geli seule.
    — Oh, parfait, dit-il, l’air soulagé. Votre
oncle n’est pas avec vous.
    Elle trouva cette remarque si étrange qu’elle
en fronça les sourcils, aussi s’empressa-t-il d’ajouter :
    — Ne vous méprenez pas, Fräulein Raubal. Je
me considère l’ami d’Hitler, son principal disciple, mais après quelques
minutes en sa présence, je me sens exténué et complètement épuisé.
    — J’ai déjà entendu dire cela.
    — Cela ne vous… inquiète pas ?
    — Nos rapports sont différents.
    Vogl observa Geli quelques instants.
    — Vous désirez devenir une soprano
wagnérienne, à ce qu’il m’a dit.
    — C’est mon oncle qui le désire.
    — Et vous ?
    — Moi, j’aime chanter, voilà tout, dit-elle
en haussant les épaules.
    — Et moi, j’aime gagner cent Reichsmarks par mois. Nous avons beaucoup de points communs. Avez-vous un
air à me faire entendre ?
    Elle lui tendit une partition.
    — Puccini, dit-elle. O mio babbino
caro.
    —  « Ô
mon cher papa. » Un bon choix. Doux et bref.
    Ils allèrent dans la salle de musique où il s’installa
devant un piano à queue, et elle chanta médiocrement, écorchant l’italien et
manquant d’air dans les notes les plus aiguës. Lorsqu’elle eut terminé, il
garda un silence de mauvais augure, et elle sourit, mal à l’aise.
    — Eh bien, je n’ai pas fait de fausses
notes, je crois.
    — Nous avons une base de travail.
    Il se leva pour lui donner des indications sur
l’anatomie du chant, en appuyant la main juste au-dessous de ses côtes pour qu’elle
sente son diaphragme, et remontant familièrement entre ses seins jusqu’à sa
gorge, serrant son larynx, puis encerclant doucement ses sinus et l’arête de
son nez. Les doigts de Vogl sentaient le chou.
    — Et maintenant, faites ah-ah-ah.
    — Ah-ah-ah, chanta-t-elle.
    — Vous avez toujours votre voix de tête, dit-il
en chantant d’une voix de tête. Je voudrais entendre votre voix de poitrine, ajouta-t-il
en lui montrant.
    Elle fit une piètre tentative.
    — La tête haute. Les talons regroupés. Et
maintenant, fredonnez, Fräulein Raubal.
    Elle obéit.
    — C’est beaucoup mieux. Le son est
projeté par le diaphragme selon une courbe ascendante et vient percuter les
résonateurs situés à la racine du nez. Le sentez-vous ? Votre voix doit
être constamment soutenue. Travaillez sur les muscles. Saviez-vous qu’une
grande cantatrice italienne appelée Tetrazzini avait un diaphragme si fort qu’elle
pouvait déplacer un piano avec ?
    — J’ai du personnel qui déplace les
objets pour moi.
    — Comme vous êtes amusante ! C’est
ce fameux charme autrichien !
    La très jeune femme de Vogl vint lui apporter
un grand verre de Weißbier, lui déposa un baiser énamouré sur l’oreille,
et sortit. Sa bière à la main, Vogl se rassit lourdement sur le tabouret de
piano afin de vérifier l’étendue du registre de Geli, jouant le do, une
octave au-dessus du milieu du clavier, lui faisant chanter, et ainsi de suite
jusqu’aux notes les plus aiguës.
    Geli ne s’en sortit pas trop mal. En revanche,
dans le grave, elle cala, incapable d’aller plus bas que le si bémol, et
quand il insista pour qu’elle trouvele fa au-dessous du do du milieu, elle lui dit :
    — Si je vais si bas, je sens que je vais
vomir.
    — Dans ce cas, nous allons travailler
votre voix de poitrine. Une bonne chanteuse a une tessiture de deux octaves, seize
notes. Vous en avez quatorze.
    Elle rougit.
    — Je suis mauvaise, alors ?
    — Vous pouvez peut-être vous améliorer. J’ai
une élève qui a commencé avec treize notes, et maintenant elle en a seize. Mais
elle a travaillé. Vous travaillerez ?
    Elle craignit d’avoir hoché la tête trop
vigoureusement, comme une enfant.
    — Avez-vous entendu parler de la
cantatrice Bertha Morena ?
    — Bien sûr.
    — Une autre de mes réussites. Elle a
appris avec moi, elle a travaillé sans relâche, et c’est une diva à présent.
    Il rassembla les partitions et referma le
piano en poursuivant, comme si cette pensée arrivait

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