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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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évolutions des conscrits de la mer.
    À la fin de la manœuvre, il sourit.
    —  C’est très bien, les enfants.
    Formule qui remplaçait le traditionnel « Soldats je suis content de vous. » Et à le voir impérieux, rajeuni, battant du pied la mesure des fanfares, tous se reprenaient à espérer.
    —  Allons aux fortifications. Je voudrais commencer par le fort de la rade qui est en construction, avant d’aller à la batterie dont j’ai moi-même décidé l’emplacement en 1812.
    À l’intérieur de l’île, les bras de mer avaient été canalisés au pied des remparts. Et ces douves marines, doucement remuées par le vent salin et bordées de hautes frondaisons, prenaient au pied des donjons accores des allures d’étangs romantiques où se miraient les échauguettes des châteaux forts. Des passerelles intérieures surmontées de poternes et de poivrières conduisent au centre de l’île où la jachère est devenue savane et où s’ouvrent entre les bois de résineux et les futaies d’ormeaux quelques arpents de vignes et de tournesols. Sur ce marais sillonné de canaux saumâtres et fleuri de tamaris aux feuillages de miniature japonaise, règne une odeur complexe et entêtante d’iode, de pin parasol et de limon salé.
    L’Empereur marchait d’un pas alerte, souriait aux palmiers et aux mimosas, et expliquait aux officiers émerveillés les systèmes de verrouillage tactique qui avaient présidé à l’aménagement de l’île. Il s’arrêta devant la poudrière.
    —  Savez-vous qu’ici, un officier d’artillerie chargé de surveiller les travaux, passait ses nuits à griffonner les notes d’un prodigieux roman ?
    —  Non, sire.
    —  Vous ne connaissez pas le titre   ?
    —  Non, sire.
    —  Les Liaisons dangereuses. Et l’auteur s’appelle Choderlos de Laclos. Ce qui tendrait à prouver que le séjour à l’île d’Aix est propice à l’éclosion des grandes choses.
    Après s’être attardé au fort Liédot, il est revenu à pied jusqu’à la maison du gouverneur dont il avait ordonné aussi l’édification trois ans plus tôt, et où l’attend le pilote du Chapus, le seul homme qui ait jamais fait sortir une frégate à la barbe des Anglais.
    Toute la population de l’île s’était rassemblée devant l’estacade après la revue. Elle escorta Napoléon jusqu’à l’embarcadère, électrisée par la musique militaire, reprenant en chœur un cri que l’Empereur entendait pour la première fois depuis le départ de Paris. Et ce cri fit tressaillir Napoléon   : « A l’armée de la Loire... À l’armée de la Loire... »
    Tandis que les canots de la Saale ramènent l’Empereur à bord, deux paysans (un peu trop bien habillés pour leur emploi, selon les témoins) arrivent devant le Bellerophon à bord d’une chaloupe manœuvrée par quatre rameurs. Ils ont une communication importante à faire au commandant. Ils insistent sur leur désintéressement. Ils ne veulent pas d’argent. Ils veulent seulement « la paix pour la France ».
    —  Alors   ? dit Maitland.
    —  Alors, commandant, il faut que vous sachiez qu’un vieux pilote de l’île a été reçu ce matin par Napoléon qui lui a offert une fortune pour faire sortir un aviso par le pertuis de Maumusson.
    Maitland lève les bras au ciel   :
    —  Maumusson   ? Mais c’est un risque insensé, il est semé de récifs et de courants sous-marins. Vous êtes sûr ?
    —  Très sûr, commandant, le pilote lui-même ne s’en cache pas, il se prépare.
    La chaloupe n’a pas franchi un nœud que le canot du Bellerophon prend la mer. Il porte un courrier urgent du capitaine Maitland au commandant du Myrmidon. « Vous appareillerez à l’instant et vous surveillerez le pertuis de Maumusson. »
    À l’heure où le Myrmidon appareille, le brick L’Épervier qui arrive de Port-des-Barges vient mouiller à quelques encablures de la Saale. Il est commandé par le capitaine Jourdan, bonapartiste mystique.
    En arrivant à bord de la frégate, alors que résonnent encore en lui les noms de Loire et d’armée, l’Empereur a trouvé Bonnefous porteur d’une dépêche du ministre Decrès   : « Parvenez, je vous prie, à lui faire prendre sa détermination définitive le plus tôt possible. Les moindres retards peuvent avoir les suites les plus fâcheuses. Car qui peut répondre que ces dispositions prises dans l’intérêt de sa seule sécurité n’éprouveront pas sous peu des obstacles

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