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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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vous remercie de votre bonté, sire, je regrette seulement qu’elle soit si tardive.
    Napoléon ignore l’insolence.
    —  Je sortirai du pertuis à bord de la Zélie. Une fois en haute mer je serai recueilli par le Magdalena de Besson. Je n’emmène que les généraux Savary, Bertrand, Lallemand, Ali et vous. Préparez-vous, nous appareillons cette nuit.
    Tous les préparatifs du départ « secret   » sont terminés. Pour donner le change à Maitland et à ses bâtiments, demain 14 juillet à l’aube, Las Cases et Lallemand se rendront en parlementaires à bord du Bellerophon. Ils demanderont des nouvelles des sauf-conduits et chercheront à connaître les intentions des Anglais à l’égard de l’Empereur. Pendant ce temps il aura pris le large.
    Le capitaine Besson débarque sur le môle avec un de ses seconds. Sa haute silhouette projetée par la lune s’étirait, mouvante et déformée dans l’eau du bassin.
    —  Général Beker, allez avertir l’Empereur, nous sommes prêts. L’embarquement des coffres et des malles est terminé. Les chasse-marée sont à la voile, nous avons une bonne brise nord-nord-est.
    Les navires anglais pavoisés par la nuit lunaire semblent prêts pour une parade de fête. Pendant que l’île d’Aix sommeille sous une manne d’ombre claire, le valet de pique sort de la nuit. Beker reconnaît Gourgaud qui semble en proie à une grande agitation.
    —  Général, il faut conseiller à Sa Majesté de renoncer à ces projets d’évasion, dites-lui de s’abandonner à la générosité du régent de Grande-Bretagne, le peuple anglais sera flatté de posséder sur son sol le plus noble de ses ennemis. Il l’accueillera avec tous les honneurs dus à son nom.
    —  Monsieur, je vous prie de ne pas vous mêler de mes affaires. Je ne reçois de conseil que de ma conscience. Bonsoir...
    Beker arrive à la porte de la chambre de Napoléon. Il frappe et entre dans la foulée.
    —  Sire, tout est prêt, le capitaine attend Votre Majesté.
    L’Empereur ne semblait pas l’avoir entendu, planté devant son miroir où les flammes de deux candélabres versaient une lumière obscure sur les frisures dorées du miroir ovale. Il se regardait, passait une main sur son front dégarni, ce front évasé aux plages lisses des tempes, descendait jusqu’aux pommettes noyées sous le suif des bajoues.
    Beker tousse   :
    —  Sire, les chasse-marée sont parés pour le départ. Je suis venu vous dire que j’appuie cette tentative et que je ne ferai rien ni pour l’empêcher ni pour la signaler aux autorités.
    Napoléon s’était retourné, et les lumières tremblantes éclairaient la nuque courte et grasse enfoncée entre les épaules tassées.
    —  Merci, Beker. Je regrette de vous avoir méconnu si longtemps. Aujourd’hui que je vous connais, j’apprécie votre caractère et votre loyauté, il est bien tard...
    Beker dissimule son émotion.
    —  Il n’est pas trop tard pour vous, sire. Demain c’est l’aube de la liberté...
    —  Oui demain, général.
    —  Le capitaine Besson vous attend ce soir.
    —  Dites-lui que j’ai réfléchi, je veux envoyer Las Cases et Lallemand demain matin à bord du Bellerophon.
    —  Avec quelle mission   ?
    —  Je veux laisser croire aux Anglais que je veux me rendre.
    La profuse douceur de la nuit d’été sur la rade des Basques.
    L’homme seul et qui a exigé d’être seul — pousse la porte du balcon et braque ses jumelles sur le large. Il n’entend que le soupir du vent dans les ormes et la menace mélodieuse de la mer. Ce bracelet piqué d’étoiles posé sur l’océan, c’est le continent. Comme si un vol nuptial de lucioles s’était abattu sur Rochefort. Ces lanternes sourdes, c’est le Bellerophon.
    Au-delà du glacis, de hautes corbeilles d’ombre où les stratèges de la croisière anglaise tissent leurs toiles. Comme en lui les aragnes de l’angoisse.
    L’homme seul qui souffre dans sa chair — et qui aborde déjà le chemin de la chair aux statues — fuit un sommeil tyrannisé par les cauchemars. Il contemple cette fête infinie, sans passé ni avenir, couronnée par la lune rouge, basse, peinte et parée. La lune des morts. Il rêve à voix basse comme souvent depuis Fontainebleau. « Lallemand ne m’écoutait qu’à moitié hier soir... je lui disais des choses importantes, mais lui ne suivait que son idée. Qui est d’échapper à la mort. »
    Il braque sa jumelle sur le firmament. Le feu du

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