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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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ciel divisait ses flèches ailées entre les éclairs de chaleur et les étoiles filantes.
    « Nous ne sommes tous que matière... l’homme a été créé par une certaine température de l’atmosphère... la plante est le premier anneau de la chaîne dont l’homme est le dernier. Et moi je ne suis qu’un bout de rocher lancé à travers l’espace... Si longtemps j’ai vu le monde fuir sous moi comme si j’avais été dans les airs... Un bout de rocher lancé dans l’éther et qui commence à s’effriter... »
    Il braque à nouveau ses jumelles sur les étoiles filantes, leur silence de feu laissant comme un sillage de musique.
    «...Les astres sont les cris de la nuit... »
    La porte du rez-de-chaussée s’ouvrit doucement et Mme Bertrand sortit dans le jardin au bras de son mari. Il se tassa dans l’angle d’ombre contre le volet et il les entendit gémir.
    —  Vous êtes comme une marionnette entre ses mains, disait Fanny.
    —  Je vous interdis... J’ai juré fidélité à l’Empereur.
    —  Et c’est au nom de cette fidélité que vous nous jetez dans ce piège !
    —  C’est lui seul qui décide.
    —  C’était bien quand il était le maître du monde. Aujourd’hui vous ne voyez pas ce qu’il est devenu. Il est faible...
    Il entendit se refermer la porte du jardin qui ouvrait sur l’allée d’ormes et frappa rageusement la balustrade de ses jumelles   :
    —  Non, ce n’est pas la faiblesse. C’est la force qui m’étouffe. C’est la vie qui me tue. Mais comment peuvent-ils comprendre qu’un homme ait l’âme assez forte pour changer de caractère et se plier à des contingences obligées   ?... Tout compte fait, je suis moins à plaindre que ceux qui sont enchaînés à ma suite.
    On ne connaît jamais les hommes, ils sont difficiles à saisir quand on veut être juste. Se connaissent-ils, s’expliquent-ils bien eux-mêmes   ? La plupart de ceux qui m’ont abandonné, si j’avais continué d’être heureux, n’auraient peut-être jamais soupçonné leur propre défection. Il est des vices et des vertus de circonstance. Nos dernières épreuves sont au-dessus de toutes les forces humaines ! Et puis, j’ai été plutôt abandonné que trahi, il y a plus de faiblesse autour de moi que de perfidie. C’est le reniement de saint Pierre, le repentir et les larmes peuvent être à la porte. À côté de cela, qui dans l’Histoire a eu plus de partisans et d’amis   ? Qui fut plus populaire et plus aimé   ? Non, la nature humaine pouvait se montrer plus laide, et moi plus à plaindre...
    Le pinceau du phare gonfle pour un bref mirage en lanternes vénitiennes les calices flexibles des passeroses et les rejette dans la nuit. « Toute clarté est une ombre en marche... »

 
    Journée du 14 JUILLET
    « Oui j’avais dérobé le feu du ciel pour en doter la France. Le feu est retombé à sa source. Et me voilà... »
    N APOLÉON
    Une nouvelle fois les promesses de l’aube.
    Une fois encore une chaloupe sur les eaux grises du petit jour.
    Une fois encore les vigies du Bellerophon annoncent au capitaine Maitland l’approche d’une barque française.
    Sur la coupée, brèves retrouvailles sans effusion entre Maitland et Lallemand.
    —  Mais nous nous connaissons n'est-ce pas général   ?
    —  Oui, j’ai été votre prisonnier en 1799 à bord du Chameleon.
    —  Vous étiez l’aide de camp du général Junot   ?
    —  Aujourd’hui, je suis l’ambassadeur de l’Empereur. Et c’est à ce titre que je viens vous demander si les laissez-passer sont arrivés.
    —  Je les attends d’une heure à l’autre.
    Maitland a reçu, comme tous les officiers anglais, les ordres de l’Amirauté. Il feindra jusqu’au bout de les ignorer, pour mieux duper les émissaires de Napoléon. Il pense qu’en faisant traîner les pourparlers avec les parlementaires français, il donne les moyens au piège britannique de refermer ses mâchoires sur l’île d’Aix. Il a lui, Maitland, la chance historique de s’emparer de Napoléon.
    Le gentleman hypocrite, le larron sournois qui a en poche l’ordre d’arrestation dilue le fiel et noie le poisson en attendant de le ferrer. Et la bouche en cœur, alors que ses agents le tiennent informé chaque jour de tous les mouvements de Napoléon   :
    —  Où se trouve le général Bonaparte   ?
    —  A Rochefort, dit Las Cases.
    —  Il est descendu à l’hôtel de la Grand-Place, confirme Lallemand. Tous les soirs des

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