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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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est-ce   ?
    —  Un homme exceptionnel, qui avait levé pour nous il y a vingt ans des légions de volontaires américains, avec la complicité du gouverneur de la Caroline du Sud. Je vous donnerai une lettre pour lui. Voyez-vous, Victor, pour l’instant l’Europe, la France, l’Amérique et même l’Angleterre aspirent à la paix. Donc vous, vous êtes d’abord gouverneur... Mais vous connaissez le mot admirable de Léonard de Vinci   : « Ne pas prévoir c’est déjà gémir. » Alors vous allez prévoir. Prévoir ce qui va se passer d’ici deux ou trois ans. Si je réussis à isoler l’Angleterre, nous reprendrons facilement le Canada. Et les États-Unis seront un petit pays enserré entre deux grands empires.
    —  Avez-vous fixé la date de départ du corps expéditionnaire   ?
    —  Aux environs du 20 floréal {56} .
    Le carillon de l’horloge à balancier sonnait 11 heures. Napoléon avait presque épuisé la tabatière de Beker. Il regardait sans le voir le portrait de Marie-Louise en grattant une prise.
    —  Et voilà l’histoire de Victor que j’ai fait duc de Dalmatie et qui aurait dû devenir vice-roi d’Amérique. S’il avait pu remplir sa mission comme je le souhaitais, je n’aurais jamais vendu la Louisiane aux Américains.
    Il reprit une nouvelle pincée de tabac.
    —  Mais je n’ai jamais pensé qu’au lieu de devenir notre empire, la Louisiane deviendrait un jour notre refuge... Car ne perdez pas de vue qu’aussitôt Marchand arrivé je cours à Rochefort et je m’embarque avec vous à bord du premier bâtiment que je trouverai en partance pour l’Amérique. Et l’on viendra nous rejoindre.
    Le bruit d’une altercation leur parvenait à travers les murs, et les aboiements d’Ali dominaient le tumulte. Napoléon fronça le sourcil.
    —  Il faut éviter les éclats. Allez voir, Savary.
    Au même moment la porte s’ouvrait d’une brusque poussée et livrait passage à un gendarme géant suivi par Ali qui braquait sur lui son revolver d’ordonnance.
    —  Qu’est-ce que c’est que cette mascarade   ?
    —  Sire, ce gendarme voulait pénétrer de force dans l’auberge. Il m’a menacé de forcer la porte.
    Le gendarme s’était fiché devant la table.
    C’était un colosse au front oblique, au regard bovin, aux moustaches d’opéra. Il dépassait Ali d’une demi-tête. Savary le toisait sans tendresse.
    —  Qu’est-ce que vous désirez au juste   ? et qui vous envoie   ?
    —  Je suis chargé de vérifier les papiers des voyageurs, et celui-là m’a fait toute une comédie, il m’a menacé de son revolver.
    —  Donnez-moi vos papiers.
    —  À quel titre vous me demandez ça   ?
    —  Vous savez lire   ?
    Et le duc de Rovigo lui colla sous le nez un papier constellé de sceaux, de cires et de tampons. Le gendarme jeta un bref regard sur le document et brusquement mû par une mécanique intérieure, il se figea, les doigts raidis, les yeux au plafond.
    —  Gendarme, vous parlez à l’inspecteur général de la Gendarmerie {57} .
    La glotte du gendarme se nouait.
    —  Mon général, il faut que je vous dise...
    —  Quoi ?
    —  Que j’ai été chargé de surveiller votre voiture.
    —  Pourquoi   ?
    —  Parce que nous savons qu’il y a des royalistes qui sont lancés à votre poursuite et qui veulent capturer l’Empereur ou le tuer   ; c’est ça que je voulais vous dire. Nous, on remplit notre mission n’est-ce pas...
    —  Très bien, vous allez continuer à la remplir en montant la garde devant la porte jusqu’à notre départ.
    —  Oui, mon général.
    Ils se regardaient en silence...
    —  Des royalistes, dit Beker.
    —  Dites plutôt des agents de Fouché, dit Bertrand {58} .
    Napoléon s’était tourné vers Savary   :
    —  Vous avez gardé toute votre autorité   !
    —  J’ai surtout gardé mes papiers.
    —  Messieurs, il va bientôt être minuit et je veux être à Tours avant le soleil. En route...
    Napoléon coiffe son chapeau et descend l’escalier, suivi de Savary.
    « La cuisine de l’auberge où il fallait qu’il passât était pleine de monde   ; à son aspect chacun se rangea pour lui faire passage, et à peine fut-il en voiture que des cris de “Vive l’Empereur   !”   partirent et des gens qui étaient dans l’intérieur de l’auberge et des groupes qui s’étaient formés dans la rue. Qui est-ce qui avait fait connaître la présence de l’Empereur ? Peut-être les agents

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