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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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de police eux-mêmes, peut-être quelques anciens militaires. Nous avons aperçu des lampions à quelques fenêtres {59} . »
    Et la voiture saluée par les clameurs disparaît dans la nuit.

 
    Journée du 1 er JUILLET
    « Mon âme est tendue sur de vastes combinaisons qui me rendent malheureux. »
    N APOLÉON
    La berline courait sur les routes désertes, trouait les ténèbres diaphanes, dévalait des chaussées pavées de corail lunaire. Napoléon somnolait   ; sa tête, ballottée par les cahots, brinquebalait sur son épaule. Lorsqu’il s’éveilla, la route surplombait un chemin de halage. Sur les berges vertes et dorées du fleuve assoupi fusait entre les ramures des vergnes la flamme rousse d’un écureuil et les vols criards de r poules d’eau rasaient les sabres serrés des iris.
    La Loire était semée de taupinières limoneuses, découvrait des îles saisonnières, des ergs de sable blanc où croupissaient des flaques de doucin isolées du courant. Une lumière d’eau verte s’essorait des rives.
    L’Empereur se pencha par la portière, et respira longuement les odeurs mouillées de l’aube d’été.
    —  La Loire, c’est la Méditerranée des fleuves.
    Le soleil ruisselait déjà sur les paillettes des îles et sur les tresses des saules, et le vent tiède courbait les frênes dans la lumière acide du petit jour. La berline tressautait sous les branches des rouvres vénérables qui avaient vu galoper les destriers du roi François en route vers l’Espagne et le carrosse du cardinal de Richelieu cheminant vers Paris.
    La route. Aride, crayeuse, cahotante. Un sol dur verruqueux et caillouteux, couleur de coke blanc. Des herbes rousses, desséchées qui donnent à la plaine des reflets et des relents de savane incendiée.
    Savary évente un front ruisselant, éponge des pommettes rutilantes, dégrafe un peu plus son jabot et sollicite une fois encore la faveur de suivre la voiture dans les côtes.
    —  Monsieur le duc de Rovigo, dit l’Empereur en riant, je préférerais que vous nous suiviez en courant dans les descentes.
    —  Votre Majesté est sans pitié.
    —  Mais non sans mémoire... Savez-vous que nous croisons les chemins de Jeanne d’Arc. La postérité ne manquera pas de comparer nos destins. Elle et moi nous serons pour les générations le symbole de la libération de la patrie.
    L’attelage avait pris sa vitesse de croisière. On traversa Vendôme endormie et on atteignit Tours à la pointe de l’aube. Napoléon s’inquiétait des chevaux.
    —  Ils doivent être fourbus...
    —  Nous avons prévu le relais à la sortie de la ville, dit Bertrand.
    —  Faites ralentir le cocher, je désire m’entretenir de l’état d’esprit de la population avec le préfet, M. de Miramond.
    —  Miramond   ? Votre ancien chambellan   ? dit Beker.
    —  Oui. Un homme d’honneur. Il faut le prévenir de mon arrivée...
    Savary gravissait au galop les marches de la préfecture et déjà Miramond accourait sur ses talons, proposant à l’Empereur une chambre pour sa toilette et lui demandant de partager le petit déjeuner.
    Entre les ablutions et le café, Napoléon confiait au préfet les révélations du gendarme.
    —  Si Fouché décide de me faire attaquer en chemin, vous serez peut-être prévenu de cette agression. Si les scélérats sont sur mes traces, je vous demande de les brancher sur de fausses pistes et de me faire avertir.
    —  Je vais faire surveiller les routes, dit le préfet. Et si nous découvrons des suspects, je ferai tenir un courrier exprès à Votre Majesté.
    L’Empereur s’attarda vingt minutes avec M. de Miramond, et en sortit conforté dans ses idées de rébellion contre les décisions qui lui étaient imposées. Aux relais de poste circulaient les nouvelles les plus folles   : « L’Empereur avait repris la tête de l’armée et harcelait les Prussiens... » « L’Empereur était mort... » « L’Empereur s’était rendu chez son beau-père à Vienne... » À chaque arrêt fusaient les questions inquiètes et les cris de ferveur.
    Napoléon à l’affût, dans l’angle, et que personne ne songeait à remarquer entre le chapeau noir et le frac marron, n’en perdait pas une miette, et quand la calèche quittait le relais, il prenait à témoin ses compagnons   :
    —  Vous voyez, tout est encore possible...
    Rochefort — Préfecture maritime — 8 heures du soir
    Le préfet Bonnefous a convoqué le capitaine de vaisseau

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