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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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d’Espagne. Il nous donne des territoires qui font cinq fois la France, et qui seront les fondations de l’Empire français d’Amérique.
    —  Comment le roi d’Espagne a-t-il consenti   ?
    —  Mon bon Victor, il y a, à la base de toute stratégie politique, deux armes qu’il faut amalgamer et doser.
    —  Quelles armes   ?
    —  La promesse et la menace. On dit vulgairement la carotte et le bâton. N’oubliez pas que ces territoires nous ont été arrachés par la force à cet exécrable traité de Paris. Moi j’ai négocié en position de force, mais avec la nuance... J’ai repris la Louisiane et les deux Florides. J’ai offert en compensation un agrandissement du duché de Parme et la province de Toscane. Il est bon d’agrandir son patrimoine en l’étoffant avec le terrain des autres. J’entends des spoliateurs...
    —  Mais ces territoires devaient revenir au roi de Sardaigne   !
    —  Si j’en dispose autrement, c’est dans l’intérêt national.
    —  Mais que vont dire les Américains   ?
    —  Bien sûr, ils sont stupéfaits, inquiets et furieux. Alors il s’agit d’entretenir cette inquiétude. Un corps expéditionnaire de dix mille Français pourrait facilement occuper La Nouvelle-Orléans et Saint-Louis avant que Jefferson ait pu rassembler une seule brigade de ses milices à Nashville.
    —  Pour entretenir l’inquiétude, il faut des soldats. De combien d’hommes vais-je disposer... ?
    —  Le Corps expéditionnaire est réuni à Helvœt Sluys, près de Rotterdam. Nous avons donné comme nom de code à l’opération « Expédition Flessingue   ». Je vous adjoins deux généraux de brigade – et leurs brigades – , deux chefs d’artillerie du Génie – et leurs bataillons. En tout trois mille hommes. J’ai fait débloquer trois millions de francs. J’ai fait armer une flotte de quatre mille tonnes... Et pour renouer avec une très ancienne tradition de la monarchie, j’ai fait réunir des lots de cadeaux destinés à amadouer les sauvages. Des carabines, des sabres, des étoffes. Et aussi pour les grands chefs des médailles. Je vais vous remettre un exemplaire de celle qui leur est destinée   : elle est gravée à mon effigie {55} et porte à son revers trois mots   : « A la fidélité. » Louis XIV n’a jamais agi autrement.
    En Louisiane dans un premier temps, vous rétablissez l’autorité française, vous réorganisez notre administration et progressivement vous équipez une armée... La Louisiane regorge de richesses. Je vous enverrai des colons.
    Dans un deuxième temps, on vous enverra des bateaux de femmes. Et ces femmes feront beaucoup d’enfants... C’est une colonie française que nous allons peupler... Tenez, voilà votre dossier. Vous y trouverez tous les renseignements sur votre royaume. Vous devenez roi, Victor, roi d’une province fabuleuse sur laquelle je fonde les plus hautes espérances. Et rappelez-vous   : tout ce qui a été fait de grand dans ce monde l’a été au nom d’espérances démesurées...
    Ce dont je voudrais vous persuader avant votre départ, Victor, c’est que votre arrivée est passionnément attendue et souhaitée. L’année même de ma naissance, et je vois dans cette coïncidence un présage, les habitants de La Nouvelle-Orléans avaient adressé au roi Louis XV un mémoire où ils lui confirmaient leur fidélité à la France et leur résolution de « vivre et mourir sous sa chère domination   ». Ce sont là les termes exacts de la supplique.
    Depuis dix ans il existe des manifestations en faveur de la France qui légitiment notre intervention. Et les Américains, s’ils exècrent le souvenir de leur vassalité coloniale, sont toujours sensibles à la notion de légitimité. C’est encore nous qui leur avons inculqué ça. Parce que leurs institutions sont calquées sur l’Esprit des lois de M. de Montesquieu, le seul écrivain au monde dont il n’y ait pas une ligne à retrancher. Bref, les Américains nous doivent beaucoup dans tous les domaines. Vous voulez mon sentiment   ? ils ne paieront jamais leurs dettes de guerre. Alors, autant prendre des hypothèques tout de suite. Qu’est-ce qui ne va pas, mon bon Victor ?
    —  Trois mille hommes pour un territoire cinq fois grand comme la France !
    —  Je sais, mais sur place il y aura des milices. Il vous faudra susciter des légions de volontaires. À ce propos, vous pourriez entrer en contact avec Charles Edmond Genet.
    —  Qui

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