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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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de Kerogal, commandant du port.
    —  Voilà le message que me fait tenir l’Empereur. Il désire que je monte à sa rencontre. Ce qui implique qu’il est pressé de s’embarquer, et qu’il flaire un piège. Et moi je me demande, capitaine, si ce pressentiment n’est pas justifié. Si on ne va pas l’inciter à embarquer pour ensuite le tenir à discrétion.
    —  Il est impossible de croire à une telle félonie.
    Le préfet soupira   :
    —  Je ne sais plus que croire, j’ai assuré le transfert des armes à bord des frégates et j’ai organisé les approvisionnements. Et maintenant que j’ai rempli ma mission, je peux vous confier mes craintes... Je me demande si le gouvernement n’a point résolu de rendre l’appareillage impossible en alertant l’amiral anglais. En ce cas, de quelle infamie allons-nous être complices   ?
    —  Pourquoi a-t-on choisi l’île d’Aix comme lieu d’embarquement et non La Pallice ou Le Verdon, dit Kerogal. L’île est fermée par les pertuis. C’est le lieu de la côte atlantique le plus facile à bloquer. Quelle chance pour une évasion qu’un port situé au fond du golfe de Gascogne et cadenassé comme une souricière   ?
    —  Vous allez porter à l’Empereur ma réponse et mes excuses. Vous ne lui direz pas que je suis malade d’inquiétude, ce qui serait la vérité, vous lui direz..., mettons que j’aie un accès de fièvre. Vous lui direz aussi que les sémaphores de la Coudre et de l’île l’Oléron émettent depuis hier des rapports alarmants sur les mouvements des navires anglais. J’ai préparé une lettre à l’intention de l’Empereur, vous la lui remettrez. Partez tout de suite. Le grand maréchal Bertrand m’a indiqué leur itinéraire   : Poitiers, Saint-Maixent, Niort. Vous irez d’abord à la préfecture de Niort.
    Niort 8 heures du soir
    Les retraités, les chalands et les maraîchers, à califourchon sur leurs tabourets, plantés devant leurs échoppes ou leurs jardins, regardent galoper un brigadier de gendarmerie. Le gendarme a mis pied à terre devant l’hôtel de la Boule d’Or à l’angle de la place de la Brèche et de la route de Paris. Il a déclaré à l’aubergiste qu’il était porteur du traité de paix général avec la Vendée et lui a demandé des rafraîchissements.
    Alors que les boutiquiers rentraient leurs chaises et accrochaient leurs auvents, un courrier, dont la longue route avait poudré la redingote d’une pellicule de farine grise, sautait lui aussi de cheval devant la Boule d’Or.
    Le gendarme avait déjà rejoint son lit.
    L’inconnu demandait à Lagrave s’il pourrait disposer de trois chambres pour un général et sa suite.
    —  Pour combien de nuits   ? dit l’hôtelier.
    —  Une nuit, peut-être deux.
    À l’entrée de Saint-Maixent, le commandant de poste de la garde nationale refusait de laisser passer la calèche. Le général Beker jaillit de la voiture et exhiba son ordre de mission. L’Empereur s’était rencogné dans l’angle de la calèche.
    —  C’est un ordre du gouvernement  —  Qui me dit que cet ordre n’est pas un faux   ?
    Beker s’empourpre et tend ses papiers   :
    —  Je suis le général Beker, et j’ai pour mission de conduire l’Empereur à Rochefort.
    —  J’ai ordre de contrôler tous les passages.
    —  Lisez, et prenez vos responsabilités...
    —  Je suis là pour ça...
    Beker haussait le ton et lui tendait l’arrêté de la Commission où Davout avait ajouté de sa propre main   : « Vous trouverez dans chaque contrôle civil et militaire, dans l’âme de chaque citoyen les secours que vous pourrez être en cas de réclamer pour la sécurité de la personne d’un homme qui a gouverné notre Nation. L’honneur de la France est intéressé à sa sécurité. Il vous sera suffisant de montrer l’arrêté de la Commission. »
    —  Vous avez lu   : l’honneur de la France est intéressé. Et je vous somme de nous laisser passer.
    —  Et si je refuse   ?
    —  Si vous refusez, vous en répondrez devant le Conseil de guerre.
    On reflua vers la mairie où les papiers furent passés au crible. Et le commandant s’inclina de mauvaise grâce. Mais Napoléon, Savary et Bertrand venaient de mesurer, à la vivacité de la querelle, l’humeur changeante des postes de garde, et de découvrir pour la deuxième fois les maillons de l’invisible réseau tendu sur leur route.
    Niort 10 heures du soir
    Le cocher fouette ses chevaux.

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