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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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Quarante minutes après l’algarade de Saint-Maixent, Beker ouvre à Napoléon la porte de la Boule d’Or. Lagrave conduit ses visiteurs dans leurs chambres. Après avoir relancé ses fourneaux et activé ses marmitons – pâté, rôti, poulet, salade –, disposé les couverts en argent sur la table ronde de la petite salle à manger... Lagrave descend lui-même à la cave choisir les blancs de Saumur et revient vers ses convives. Il ignore leurs noms, leur rang et le but de leur voyage, mais il examine à la dérobée les quatre notables « dont la mise est soignée et la mine soucieuse   ». Jamais vu à Niort. Et pourtant... Lagrave interroge vainement sa mémoire. Ce n’est que le lendemain que Napoléon rafraîchira ses souvenirs.
    —  À Mantoue, j’ai passé la revue de ton régiment, tu m’as revu à Milan, tu m’as revu à Trévise...
    Mais comment superposer le loup maigre aux yeux de braise, aux cheveux plats, au profil d’oiseau, à ce bourgeois boudiné dans son frac, avec sa face bouffie et ses cheveux « à la Titus   ». Lagrave s’empresse autour de ses clients.
    —  Quoi de neuf dans le pays   ? demande Savary.
    —  Messieurs, peu de chose en vérité.
    —  Que pense-t-on de Waterloo   ? dit Napoléon.
    —  On regrette les Français qui ont péri dans cette grande journée.
    —  Quel est l’état d’esprit des habitants de cette ville   ?
    —  Messieurs, il est fort bon.
    —  Et de la gendarmerie   ?
    —  Messieurs, il est... assez bon.
    —  Quelles nouvelles de la Vendée   ?
    —  Messieurs, il n’y a pas deux heures qu’est descendu dans mon hôtel un brigadier de gendarmerie qui m’a dit être porteur du traité de pacification générale de la Vendée, qui a été signé par le général Delage et par La Rochejaquelein.
    —  Je croyais que La Rochejaquelein avait été tué dans les marais de Saint-Gilles ? dit Bertrand.
    —  C’est Henri qui a été tué, c’est Auguste qui a signé le traité.
    La servante disposait sur la table pâtés et jambons.
    —  Messieurs, je vous souhaite bon appétit, dit Lagrave en s’inclinant, et il referma discrètement la porte.
    —  Savez-vous, dit l’Empereur, pourquoi je l’ai interrogé successivement sur Waterloo et sur la Vendée ?
    Beker secoua la tête.
    —  Eh bien, parce que mon véritable vainqueur c’est la Vendée, j’ai tout fait pour ces gens-là, je leur ai rendu la paix, leurs biens, leurs curés, leurs émigrés. J’ai maintenu leurs privilèges d’exception, j’ai été leur rendre visite, j’ai créé leur capitale Napoléon-Vendée, je les ai comblés de mes bienfaits. Savez-vous que sous la Convention j’ai refusé le commandement de l’artillerie de l’armée de l’Ouest   ? Alors on m’a rayé des cadres. J’ai été jeté à la porte de l’armée. J’avais dit à Barère que je préférais mourir en prison plutôt que de participer au massacre des Vendéens. Eh bien, sitôt qu’ils ont appris mon retour, ils se sont soulevés contre moi. J’ai dit un jour   : « un peuple de géants   », oui, mais géants obtus et bornés... Savez-vous combien j’ai dû maintenir de troupes en Vendée pour les juguler depuis trois mois ?
    —  Douze mille hommes, dit Beker.
    —  Doublez la mise, dit l’Empereur. Imaginez Lamarque et ses trente mille hommes au Mont-Saint-Jean. Blücher courrait encore... C’est la Vendée le vrai triomphateur de Waterloo. Ils vont le payer durement ! Tant pis pour eux...
    L’Empereur avait posé sur le buffet un cartable de cuir noir où il avait déposé la carte d’Amérique, le livre de Humboldt, et un dossier épais dont les feuillets étaient maintenus par des griffes de métal.
    —  Messieurs, je vais vous montrer un document qui va nous être infiniment précieux et qui va nous servir de passeport pour les États-Unis... Savary, passez-moi mes documents.
    Napoléon ouvrit la serviette et sortit un papier plié en quatre, jauni et délavé, déchiré aux rainures. Il le déploya avec une sorte de solennité.
    —  On dirait que ce papier a séjourné dans l’eau, dit Beker.
    —  Non, dans la neige.
    —  Dans la neige   ? répétait Bertrand incrédule.
    —  Oui, il faut que je vous dise d’abord l’origine. Il vous suffit de regarder l’en-tête qui est intacte.
    Il retourna le papier. Bertrand, Beker et Savary lurent ensemble « The Président of United States of America... »
    —  Voilà, cette lettre a

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