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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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soit.
    Une jeune femme
se mit à sangloter. Deux taches d’humidité auréolaient sa vieille tunique de
laine à hauteur de poitrine.
    Une mère qui
allaite, se dit Jeanne. Où est son enfant ?
qui en prendra soin ?
    — Je vous
interdis de manger et de boire en compagnie de quiconque, si ce n’est d’autres
lépreux. Je vous interdis de laver vos mains, votre visage ou tout objet dont
vous auriez eu l’usage à l’eau de quelque rivière, ruisseau ou fontaine que ce
soit. Je vous interdis la connaissance charnelle de votre épouse ou de toute
autre personne. Je vous interdis de mettre au monde des enfants ou de les
nourrir.
    Les sanglots de
la femme s’intensifièrent. Un flot de larmes coula sur ses joues criblées de
plaies.
    — Quel est
ton nom ? interrogea l’abbé en langue vulgaire, avec un agacement mal
dissimulé.
    Ce déploiement d’émotion
gâchait le bel ordonnancement de la cérémonie par lequel Raban comptait
impressionner l’évêque. Il était en effet de plus en plus évident qu’Otgar n’était
pas seulement venu à Fulda pour relever Gottschalk de ses vœux, mais aussi pour
observer l’administration de l’abbé et en rendre compte.
    — Madalgis,
bredouilla la femme. Je vous en prie, messire, laissez-moi rentrer chez moi, où
mes quatre petits sont seuls, sans père, et attendent que je les nourrisse !
    — Le ciel y
pourvoira. Tu as péché, Madalgis, et Dieu t’en a punie, expliqua Raban avec une
patience étudiée. Il ne faut pas pleurer, mais au contraire remercier le
Seigneur, car grâce à lui, tes tourments seront allégés dans l’autre vie.
    Madalgis
considéra l’abbé d’un œil incrédule, puis rougit violemment et fondit en larmes
de plus belle.
    Voilà qui est
étrange, se dit Jeanne, intriguée.
    Raban tourna le
dos à la pauvre femme et entama la prière des morts.
    — De profundis
clamavi ad te, Domine...
    Les autres moines
se joignirent à lui. Jeanne fit de même, mais son regard brillant resta fixé
sur Madalgis.
    Une fois la
prière terminée, Raban aborda l’ultime partie de la cérémonie, qui consistait à
séparer officiellement et un par un les lépreux du monde. Il s’avança devant le
premier  – le garçon de quatorze ans.
    — Sis
mortuus mundo, vivens iterum Deo, proféra l’abbé. « Sois
mort au monde, et vivant au regard de Dieu. »
    Il fit signe à
Frère Magenard, qui plongea une pelle dans la brouette, en retira un peu de
terre du cimetière et la jeta sur le malade, souillant sa robe et ses cheveux.
    Cinq fois de
suite, le rituel fut répété. Quand vint le tour de Madalgis, celle-ci tenta de
prendre la fuite, mais les deux frères lais lui bloquèrent le passage. Raban
fronça les sourcils d’un air critique.
    — Sis
mortuus mundo, vivens it...
    — Arrêtez !
s’écria Jeanne.
    L’abbé resta
bouche bée. Toutes les têtes se tournèrent vers le fauteur de trouble. Jeanne s’avança
vers Madalgis et l’examina rapidement, puis se tourna vers l’abbé.
    — Mon père,
cette femme n’est pas lépreuse !
    — Quoi ?
lâcha Raban, luttant pour garder sa contenance.
    — Ses
lésions ne sont pas dues à la lèpre. Observez la forte coloration de sa peau :
elle est correctement irriguée. Sa maladie n’est pas infectieuse. Elle peut
être soignée.
    — Si cette
femme n’est pas lépreuse, d’où lui viennent ces plaies ?
    — Les causes
peuvent être multiples. Il est difficile de les déterminer sans un examen plus
approfondi. Mais une chose est sûre : ce n’est pas un cas de lèpre.
    — Dieu a
porté sur cette femme les marques visibles du péché. Nous ne devons pas défier
sa volonté !
    — Elle est
marquée, c’est un fait, mais pas par la lèpre. Dieu, dans sa grandeur, nous a
offert la capacité de discerner des autres ceux qu’il a choisi d’accabler de ce
lourd fardeau. Lui plairait-il que nous condamnions une âme que lui-même n’a
pas vouée au châtiment ?
    L’argument était
habile. Désemparé, Raban constata qu’il avait porté sur son entourage.
    — Comment
savoir si tu as correctement interprété les signes de la volonté de Dieu ?
Ta fierté est-elle si grande que tu sois capable de lui sacrifier tous tes
frères ? Car n’oublie pas qu’en soignant cette femme, tu nous mettras tous
en grand danger !
    Un murmure
traversa le groupe de moines. Rien, hormis les effroyables tourments de l’enfer,
n’inspirait plus d’horreur, de répulsion et de crainte que la

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