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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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pouvoir espérer recouvrer un jour ta
liberté.
    Le blessé lui
décocha un regard surpris. Après avoir goûté quelques gorgées avec méfiance, il
avala d’un trait le reste de la potion, comme un homme qui vient de marcher
toute une journée sous le soleil sans rien boire.
    Une voix autoritaire
s’éleva soudain dans leurs dos.
    — Gardez-vous
de placer vos espoirs dans les herbes et les potions.
    Jeanne se
retourna pour voir entrer l’abbé Raban, suivi d’une cohorte de moines. Reposant
le bol, elle se leva.
    — C’est le
Seigneur qui donne la vie aux hommes et préserve leur santé. Seule la prière
pourra guérir ce pécheur.
    Raban fit un
signe aux moines, qui se placèrent autour du lit en silence, et entonna avec
eux l’oraison aux malades. Gottschalk ne se joignit pas au chœur. Il resta
immobile, les yeux clos, comme s’il dormait. Mais Jeanne sentit bien, à son
souffle, que ce n’était pas le cas.
    Son corps
guérira, se dit-elle, mais pas son âme blessée. Elle sentit son cœur se serrer. Elle comprenait le refus de Gottschalk de se
soumettre à la tyrannie de Raban, qui ne lui rappelait que trop son propre
combat contre son père.
    — Loué soit
le Seigneur, lança l’abbé d’une voix forte.
    Jeanne ajouta sa
voix à celles des moines, mais son esprit remercia aussi le païen Hippocrate,
cet idolâtre. Ses os étaient retournés à la poussière plusieurs siècles avant
la naissance de Jésus-Christ, mais sa science, perpétuée à travers les âges,
venait de permettre de sauver un fils de Dieu.
     
     
    — Ta
blessure est en voie de guérison, annonça Jeanne à Gottschalk après avoir
défait son bandage.
    Deux semaines
avaient passé depuis la flagellation. La côte brisée du blessé s’était remise
en place, et les lèvres de sa plaie étaient entièrement refermées. Comme elle,
en revanche, il porterait toute sa vie la marque de son châtiment.
    — Merci de t’être
donné tant de mal, mon frère, répondit Gottschalk. Hélas, tout sera bientôt à
recommencer, car d’ici à ce qu’ il me fasse une nouvelle fois rouer de
coups, ce n’est qu’une question de temps.
    — Tu le
défies trop ouvertement. Pourquoi ne tentes-tu pas une approche plus subtile ?
    — Je le
défierai jusqu’à mon dernier souffle ! s’exclama Gottschalk. Cet homme
porte le mal en lui.
    — As-tu
songé à lui offrir de renoncer à tes terres en échange de ta liberté ?
    Lorsqu’un oblat
était voué à un monastère, ce don s’accompagnait toujours d’un legs foncier
important. Si l’oblat en question renonçait à ses vœux, le monastère était
censé lui restituer ses terres.
    — Naturellement.
Mais ce ne sont pas mes terres qui l’intéressent. C’est ma soumission, corps et
âme. Et il ne l’obtiendra jamais, dût-il me tuer.
    Cet affrontement
de deux volontés était un combat que Gottschalk ne pouvait remporter. Il ne lui
restait plus qu’à fuir avant le désastre final.
    — J’ai
réfléchi à ton sujet, déclara Jeanne. Un synode se tiendra à Mayence le mois
prochain. Tous les évêques de la chrétienté seront présents. Si tu leur fais
parvenir une pétition réclamant ta libération, ils ne pourront guère faire
autrement que de l’étudier. Leur décision pèsera plus lourd que celle de l’abbé.
    — Le synode
ne se prononcera jamais contre la volonté du grand Raban Maur, objecta
Gottschalk d’un air sombre. Il est trop puissant.
    — L’autorité
d’un abbé n’est pas absolue, pas davantage que celle d’un archevêque, fit
Jeanne. En outre, tu disposes d’un argument de poids, dans la mesure où tu as
été voué à l’oblation dès l’enfance, bien avant d’avoir atteint l’âge de
raison. Au cours de mes recherches à la bibliothèque, j’ai trouvé plusieurs
passages de saint Jérôme susceptibles d’étayer ta position, et je les ai
recopiés, ajouta-t-elle avec un sourire, en retirant un rouleau de parchemin
des replis de sa robe. Regarde toi-même.
    Le regard de
Gottschalk s’illumina au fil de sa lecture. Il finit par lever sur Jeanne des
yeux enthousiastes.
    — Splendide !
Tous les Raban du monde ne sauraient réfuter une argumentation aussi bien menée !
    Soudain, une
ombre mélancolique s’abattit de nouveau sur ses traits.
    — Mais... je
n’ai aucun moyen de présenter ceci à temps pour le synode. Jamais l’abbé ne me
laissera la permission de m’absenter, ne serait-ce qu’un jour  – surtout
si c’est

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