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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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pour me rendre à Mayence.
    — Burchard,
le marchand d’étoffes, pourrait y emporter ta missive. Son commerce le ramène
régulièrement à l’abbaye. Je le connais bien, car il passe chaque fois à l’infirmerie
en quête de remèdes pour sa femme, qui souffre de migraines. C’est un brave
homme, auquel tu pourras confier ta pétition : entre ses mains, elle
arrivera à Mayence sans encombre.
    — Pourquoi
fais-tu cela ? demanda Gottschalk, méfiant.
    Jeanne haussa les
épaules.
    — Tout homme
devrait être libre de choisir sa vie.
    Cela vaut
aussi pour les femmes, ajouta-t-elle en son for
intérieur.
     
     
    Tout se déroula
comme prévu. Quand Burchard se présenta à l’infirmerie en quête de remèdes,
Jeanne lui remit la pétition de Gottschalk, que le marchand emporta sans
hésiter, cachée dans une sacoche de selle.
    Quelques semaines
plus tard, l’abbé reçut une visite très inattendue d’Orgar, l’évêque de Trêves.
Tout de suite après avoir été officiellement accueilli dans la cour intérieure
de l’abbaye, l’évêque demanda à être reçu par l’abbé dans ses appartements.
    Il apportait une
nouvelle extraordinaire : Gottschalk était libéré de ses vœux, et donc
libre de quitter Fulda à sa convenance.
    Ne souhaitant pas
s’attarder sous le regard réprobateur de l’abbé Raban, l’intéressé décida de
partir sur-le-champ. Faire son bagage ne présenta pas de difficulté. Ayant vécu
toute sa vie au monastère, Gottschalk n’avait rien à emporter. Frère Anselme,
le cuisinier, lui prépara un sac de provisions pour ses premiers jours sur la
route, et ce fut tout.
    — Où iras-tu ?
demanda Jeanne.
    — À Speyer,
répondit-il. Une de mes sœurs s’y est mariée. Je resterai quelque temps chez
elle. Ensuite... je ne sais pas ce que je ferai.
    Il avait lutté pour
sa liberté si longtemps, et avec si peu d’espoir de réussite, qu’il ne s’était
jamais arrêté à réfléchir à ce qu’il ferait au cas où il obtiendrait gain de
cause. Il ne connaissait rien à la vie hors de l’enceinte du monastère, dont la
routine prévisible et rassurante était pour lui comme un second souffle. Bien
qu’il fût trop fier pour l’admettre, Jeanne devina un éclair de peur dans son
regard.
    Il n’y eut point
d’adieux officiels, Raban ayant interdit toute manifestation. Seuls Jeanne et
les quelques moines dont la présence dans la cour se justifiait par leur opus manuum assistèrent au départ de Gottschalk, enfin devenu un homme
libre. Jeanne le vit s’éloigner sur la route, puis disparaître à l’horizon.
    Trouverait-il le
bonheur ? Elle l’espérait. Mais il y avait en lui quelque chose de
désespéré, comme chez tous les hommes voués à aspirer sans relâche à ce qu’ils
ne peuvent avoir, et à choisir toujours la voie la plus ardue. Elle se promit
de prier pour lui, de même que pour toutes les âmes tourmentées et condamnées à
voyager seules le long des chemins de la vie.

16
    Le jour de la
Fête des Morts, tous les moines de Fulda se rassemblèrent dans la cour
intérieure pour la separatio lepro- sorum, cérémonie solennelle dont l’objet
était de séparer les lépreux du reste du monde. Cette année-là, sept infortunés
malades avaient été identifiés dans la région, quatre hommes et trois femmes.
Il y avait un garçon de quatorze printemps à peine, très peu marqué par le
fléau, et aussi une vieille femme de plus de soixante ans, dont les yeux sans
paupières, la bouche sans lèvres et les mains sans doigts attestaient un stade
avancé de la maladie. Tous ces malheureux avaient été conduits dans la cour,
affublés d’une cape noire.
    Les frères s’approchèrent
en digne procession. L’abbé Raban marchait en tête, très droit et tout imbu de
dignité abbatiale. À sa droite venait Joseph, le prieur, et à sa gauche, l’évêque
Otgar. Les autres moines suivaient par ordre d’ancienneté. Deux frères lais
fermaient la marche, poussant une brouette remplie de terre du cimetière.
    — Je vous
interdis dorénavant l’accès aux églises, aux moulins, aux marchés et à tous les
lieux où les gens ont à se rassembler, lança gravement l’abbé aux lépreux. Je
vous interdis d’emprunter les routes et les chemins communs. Je vous interdis d’approcher
quelque personne vivante que ce soit sans avoir agité votre cloche en signe d’avertissement.
Je vous interdis de toucher les enfants et de leur donner quoi que ce

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