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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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lèpre.
    Avec un
gémissement, Madalgis se jeta aux pieds de Jeanne. Elle avait suivi la
discussion sans comprendre, car Jeanne et Raban s’étaient exprimés en latin,
mais elle sentait cependant que ce jeune moine avait pris sa défense.
    Jeanne lui posa
une main sur l’épaule, tant pour l’apaiser que pour la faire taire.
    — Personne
ne courra le moindre danger, hormis moi- même. Avec votre permission, mon père,
je me rendrai chez elle et je lui administrerai à domicile les remèdes
nécessaires.
    — Seul ?
Chez une femme ! dit l’abbé, horrifié. Frère Jean Anglicus, ton propos est
peut-être innocent, mais tu es un jeune homme, et en tant que tel, tu es soumis
aux plus basses passions de la chair. Il est de mon devoir de père spirituel de
t’en préserver.
    Jeanne ouvrit la
bouche pour répliquer, puis la referma. À quoi bon ? Personne n’était plus
qu’elle à l’abri de la tentation évoquée par Raban, mais elle n’avait aucun
moyen de le lui faire comprendre.
    La voix
rocailleuse de Frère Benjamin s’éleva dans son dos.
    — J’accompagnerai
Frère Jean, dit-il. Je suis un vieillard, et ces tentations ne me hantent plus.
Mon père, vous pouvez vous fier à Frère Jean. La certitude avec laquelle il
affirme que cette femme n’est pas lépreuse démontre qu’il a raison. Son savoir
médical est immense.
    Jeanne glissa au
moine médecin un regard reconnaissant. Madalgis était toujours pendue au bas de
sa robe, sanglotant à voix basse. L’abbé hésita. Il n’avait qu’une envie :
admonester vertement Frère Jean pour sa désobéissance et son insolence. Mais l’évêque
Otgar l’observait. Il ne pouvait se permettre de se montrer intransigeant ou
cruel.
    — Soit,
admit-il à contrecœur. Après les vêpres, Frère Jean, toi et Frère Benjamin
accompagnerez cette pécheresse en son logis et ferez tout ce qui peut l’être au
nom de Dieu pour la guérir de son affection.
    — Merci, mon
père, dit Jeanne.
    Raban les bénit d’un
signe de croix.
    — Puisse
Dieu, dans son immense bonté, vous protéger de tous les maux.
     
     
    Avec ses sacoches
pleines de remèdes, la mule progressait d’un pas nonchalant, indifférente au
soleil couchant. La maison de Madalgis était à quelque cinq milles de l’abbaye.
À ce train-là, ils avaient peu de chance d’y arriver avant le crépuscule.
Jeanne tira impatiemment sur la bride. Pour lui faire plaisir, l’animal
esquissa cinq ou six pas plus rapides, puis reprit peu à peu son train initial.
    Tout en marchant,
Madalgis devisait à bâtons rompus, avec le déploiement d’énergie nerveuse qui suit
souvent les grandes frayeurs. Jeanne et Benjamin ne tardèrent pas à tout savoir
de sa triste histoire. En dépit de sa pauvreté, ce n’était pas une serve, mais
une femme libre, dont le mari avait jadis possédé une terre d’un manse [8] . Après sa mort, elle s’était
efforcée de nourrir les siens en labourant elle-même sa terre, mais cette attitude
héroïque avait bientôt été réduite à néant par le seigneur Rathold, son voisin,
qui convoitait le domaine. Rathold ayant fait part des efforts de Madalgis à l’abbé
Raban, celui-ci avait interdit à la jeune femme, sous peine d’excommunication,
de poser de nouveau la main sur un soc d’araire.
    — Il est
sacrilège, pour une femme, d’effectuer le travail d’un homme, avait-il déclaré
en prononçant sa sentence.
    Confrontée à l’idée
de la famine, Madalgis avait été forcée de vendre ses terres au seigneur
Rathold pour un prix dérisoire : une poignée de sous, une hutte minuscule
et un maigre pré pour ses vaches.
    Elle avait
ensuite entrepris de fabriquer du fromage, et cet expédient, grâce au troc, lui
permettait tout juste de subsister avec ses enfants.
    Sitôt qu’elle
aperçut son humble logis, Madalgis poussa un cri de joie et s’élança la
première. Elle ne tarda pas à entrer dans la hutte. Jeanne et Benjamin l’y
suivirent quelques minutes plus tard. Ils la retrouvèrent à demi enfouie sous
une grappe d’enfants hors d’haleine, qui riaient, pleuraient et parlaient tous
en même temps. Voyant entrer les deux moines, ceux-ci poussèrent des cris
effarés et entourèrent leur mère pour la protéger. Ils ne voulaient pas qu’elle
fût de nouveau capturée. Madalgis leur expliqua la situation, et les sourires
revinrent peu à peu. Les enfants se mirent à observer les étrangers avec
curiosité.
    Une femme entra,
un nourrisson

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