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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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d’hérétique.
    Il n’y avait qu’entre
eux qu’ils pouvaient se parler aussi librement, débarrassés des entraves
ordinaires du monde. C’était une des caractéristiques de la complicité qui les
avait unis dès l’origine.
    Gerold posa sur
Jeanne un regard tendre, qui la troubla comme l’eût fait une caresse. Mais elle
était désormais rompue à l’art de dissimuler ses sentiments, et désigna les
rouleaux de parchemin entassés sur la table qui les séparait.
    — Je dois
étudier ces requêtes et recevoir leurs auteurs, dit-elle vivement.
    — N’est-ce
pas la tâche de Léon ?
    — Il m’a
priée de m’en charger à sa place.
    Depuis quelque
temps, Léon avait tendance à déléguer à Jeanne une part croissante de ses
obligations quotidiennes afin de se consacrer à ses projets de reconstruction.
Elle était ainsi devenue son ambassadeur auprès du peuple, et commençait à être
si célèbre en ville, où on la voyait partout multipliant les devoirs de
charité, qu’on avait fini par l’affubler du surnom de « petit pape »
en lui témoignant un peu de l’affection portée à Léon lui-même.
    Tandis qu’elle
tendait le bras vers les parchemins, la main de Gerold effleura ses doigts.
Elle les retira vivement, comme si elle venait de se brûler.
    — Je... je
dois partir, bredouilla-t-elle.
    Et elle fut
immensément soulagée, quoique un peu déçue, de constater qu’il ne la suivait
point.
     
     
    Rehaussée par le
succès du mur léonin et la rénovation de Saint-Pierre, la popularité de Léon,
qu’on appelait désormais Restaurator urbis, c’est-à-dire le Restaurateur
de la Cité, ne faisait que croître. On le décrivait comme un nouvel Hadrien, un
nouvel Aurèlien. La foule l’acclamait. Rome résonnait partout de l’écho de ses
louanges.
    Partout, sauf dans
les entrailles d’un palais de la colline du Palatin, où Arsène attendait avec
une impatience grandissante le jour où il pourrait rappeler Anastase.
    Rien ne se
passait comme prévu. Il était impossible de renverser le pape, comme Arsène l’avait
espéré dans un premier temps, et les chances de voir son trône laissé vacant
par le biais d’un trépas bienvenu étaient plus que minces : plein de
vigueur et de santé, Léon semblait hélas promis à une vie quasi éternelle.
    Par ailleurs, la
famille venait de subir un nouveau coup du sort. Éleuthère, le second fils d’Arsène,
avait trouvé la mort la semaine précédente. Il chevauchait tranquillement sur
la Via Recta quand un stupide verrat s’était fourré dans les jambes de sa
monture : le cheval avait trébuché, et Éleuthère était tombé, s’entaillant
la cuisse. Dans un premier temps, nul ne s’était inquiété, car sa blessure
était superficielle. Mais l’infortune appelant l’infortune, la plaie s’était
infectée. Arsène avait aussitôt mandé Ennodius. Celui-ci avait saigné son fils
avec abondance, mais sans résultat. Éleuthère était mort en deux jours. Arsène
ordonna que fût retrouvé le propriétaire du cochon. Dès que ce fut fait, le
malheureux eut la gorge tranchée d’une oreille à l’autre. Mais cette vengeance
n’apporta à Arsène qu’une bien maigre consolation et, surtout, elle ne lui
rendit pas Éleuthère.
    Le père et le
fils n’avaient jamais débordé d’amour l’un pour l’autre. Éleuthère était le
parfait contraire d’Anastase : indolent, paresseux et indiscipliné, il
avait toujours refusé l’éducation religieuse que voulait lui donner Arsène,
préférant les bonheurs plus immédiats d’une existence laïque : les femmes,
le vin, le jeu, et toutes les formes de débauche.
    Si Arsène
pleurait Éleuthère, ce n’était pas pour ce qu’il avait été ou pour ce qu’il
aurait pu devenir si on lui en avait laissé le temps, mais pour ce qu’il
représentait : une seconde branche de l’arbre dynastique, capable, si
nécessaire, de donner quelque fruit prometteur.
    Depuis des
siècles, la famille d’Arsène était la première de Rome. Elle descendait
directement de l’empereur Auguste. Et cependant, ce glorieux héritage était
terni par l’ombre de l’échec, car aucun de ses membres n’avait jamais accédé à
la récompense suprême : le Trône de saint Pierre. Combien d’hommes de rang
inférieur y avaient pris place ! Et avec quel tragique résultat !
Rome, jadis la merveille du monde, avait sombré dans une décadence honteuse.
Les Byzantins la raillaient

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