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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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ouvertement, vantant par contraste la splendeur de
Constantinople. Qui, mieux qu’un membre de la famille d’Arsène, noble héritière
d’Auguste, pouvait restituer sa grandeur perdue à la cité sainte ?
    Après la mort d’Éleuthère,
Anastase était le dernier de la lignée  – l’ultime chance pour la famille
d’Arsène de retrouver son honneur et celui de Rome.
    Or, Anastase
avait été banni.
    Comme il l’eût
fait d’une cape encombrante, Arsène se débarrassa brusquement de l’ombre de
désespoir qui planait sur lui. La vraie grandeur ne guettait pas les occasions.
Elle les créait. Pour régner, il fallait être prêt à payer le prix du pouvoir,
aussi élevé fût-il.
     
     
    Ce fut pendant
une messe, le jour de la Saint-Jean, que Jeanne remarqua pour la première fois
que le pape n’allait pas bien. Il reçut les offrandes d’une main tremblante et
écorcha de façon inhabituelle les paroles du Nobis quoque peccatoribus.
    Lorsqu’elle l’interrogea,
un peu plus tard, il écarta ses inquiétudes d’un revers de main, mettant ses
symptômes sur le compte de la chaleur ou d’une indigestion.
    Mais le
lendemain, le pontife n’allait pas mieux, ni le jour suivant, ni le
surlendemain. Il souffrait de migraines constantes et se plaignait de brûlures
aux mains et aux pieds. Chaque jour qui passait, l’affaiblissait un peu plus.
Chaque jour, il devait déployer de plus grands efforts pour quitter son lit.
Jeanne, de plus en plus inquiète, essaya tous les remèdes connus pour leur
capacité à combattre les fièvres rampantes, mais rien n’y fit. Léon continuait
de glisser lentement vers la mort.
     
     
    Les voix du chœur
s’élevèrent, tonitruantes, pour chanter le Te Deum, hymne finale de la
messe. Anastase s’efforça de ne pas grimacer. Jamais il ne s’était accoutumé
aux chants francs, dont les accents brutaux et inconnus lui écorchaient les
oreilles comme un croassement de corneilles. Au souvenir des pures et délicates
harmonies du chant romain, il fut pris d’une nouvelle bouffée de mélancolie.
    Non qu’il perdît
son temps à Aix. Suivant à la lettre les instructions paternelles, Anastase s’était
mis en devoir d’obtenir le soutien de l’empereur. Il avait commencé par
courtiser les amis et les proches de Lothaire, se rendant notamment agréable à
Ermengard, son épouse. Il avait déployé mille efforts pour flatter et cajoler
la noblesse franque, qu’il impressionnait par sa connaissance des Écritures, et
encore davantage par sa maîtrise du grec  – un talent des plus rares.
Ermengard et ses amis ayant intercédé en sa faveur auprès de l’empereur,
Anastase avait fini par être de nouveau admis en présence du souverain. Les
doutes et les rancœurs de Lothaire semblaient oubliés. Le fils d’Arsène
jouissait à nouveau de la confiance impériale.
    J’ai accompli
tout ce que me demandait Père, et davantage encore. Quand serai-je récompensé
de mes efforts ? Par moments, Anastase
redoutait de devoir se morfondre jusqu’à son dernier souffle au tréfonds de
cette contrée barbare, lointaine et glacée.
    Après la messe,
de retour à ses appartements, il découvrit qu’une missive venait d’arriver pour
lui. Ayant reconnu l’écriture de son père, il en trancha avidement le sceau.
Dès la lecture des premières lignes, un cri d’exultation s’échappa de ses
lèvres.
    « Le temps
est venu d’accomplir ton destin, écrivait Arsène. Reviens. »
     
     
    Léon gisait sur
le flanc, genoux repliés, mis à la torture par de violentes douleurs d’estomac.
Jeanne venait de préparer une potion émolliente à base de blancs d’œufs battus
dans du lait sucré, à laquelle elle avait ajouté un peu de fenouil pour ses
vertus carminatives. Elle le regarda boire.
    — C’est bon,
murmura-t-il en reposant le bol.
    Elle attendit
pour s’assurer qu’il n’allait pas vomir. Rien ne se produisit, et le pontife
dormit plus paisiblement qu’il ne l’avait fait depuis plusieurs semaines.
Lorsqu’il se réveilla, plusieurs heures plus tard, il se sentait mieux.
    Jeanne décida de
le nourrir exclusivement de cette potion pendant quelque temps.
    Waldipert
protesta.
    — Il est
bien trop faible ! N’a-t-il pas besoin d’aliments plus substantiels pour
reprendre des forces ?
    — Le
traitement semble lui réussir, objecta Jeanne avec fermeté. Je veux qu’il ne
prenne rien d’autre.
    — Comme tu
voudras, nomenclator, concéda Waldipert,

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