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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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tout à fait inattendue. Si Dieu lui permettait d’éprouver une telle joie,
cela signifiait qu’il ne la réprouvait pas. Ses doutes furent balayés d’un seul
coup, remplacés par une conviction rayonnante et glorieuse : Ceci est
mon destin, et ceci mon peuple.
    Elle venait d’être
illuminée par l’amour qu’elle portait à tous ces gens. Et elle se jura de les
servir, au nom du Seigneur, jusqu’à son dernier souffle.
    Et peut-être, un
jour, le Seigneur consentirait-il à lui pardonner.
     
     
    À quelque
distance, Gerold regardait Jeanne, stupéfait. Elle semblait transfigurée par
une joie indicible. Lui seul la connaissait assez bien pour deviner l’exultation
intime qu’elle vivait en cet instant, mille fois plus important pour elle que
les honneurs de la cérémonie qui venait de se dérouler. Tandis qu’elle recevait
la vibrante ovation du peuple de Rome, le cœur de Gerold fut transpercé par une
insoutenable certitude : il venait de perdre à jamais la femme qu’il
aimait  – et il l’aimait plus que jamais.

27
    En guise d’acte
inaugural, le nouveau pape décida de parcourir Rome à pied. Accompagnée d’une
suite d’optimates et de miliciens, Jeanne visita une par une les sept régions
ecclésiastiques de la cité, pour saluer le peuple et prêter une oreille
attentive à ses griefs et besoins.
    Comme la tournée
solennelle touchait à sa fin, Desiderius, l’archidiacre, tenta d’entraîner Jeanne
vers le haut de la Via Lata, à l’opposé du fleuve.
    — Il nous
reste à visiter le Champ de Mars, dit-elle.
    Les membres de sa
suite échangèrent des regards consternés. Installé sur les basses terres qui
bordaient le Tibre, le Champ de Mars, cuvette marécageuse et suffocante, était
le plus misérable quartier de Rome. À l’apogée de la République antique, il
avait été voué au culte du dieu de la Guerre. Aujourd’hui, ses rues jadis
glorieuses grouillaient de chiens errants, de mendiants et de bandits.
    — Il serait
déraisonnable de s’aventurer là-bas, Votre Sainteté, protesta Desiderius. Le
typhus et le choléra y font rage.
    Mais déjà, Jeanne
descendait vers le fleuve, flanquée de Gerold et de ses gardes. Desiderius et
les autres prélats n’avaient pas le choix. Ils la suivirent.
    Des rangées de
bicoques étroites, dont la charpente, pour beaucoup, ployait comme l’échine d’un
vieux cheval de bât, s’agglutinaient les unes contre les autres le long des
ruelles bourbeuses qui bordaient le fleuve. Certaines étaient entièrement
effondrées. Leurs poutres rongées de pourriture avaient été laissées sur place,
bloquant parfois le passage. Le quartier était dominé par les arches en ruine
de l’aqueduc de Marc, ancienne merveille architecturale dont les parois
craquelées dégoulinaient d’eau noire. Celle-ci s’accumulait au pied de l’édifice
en mares stagnantes, creuset de toutes sortes de maladies.
    Des grappes de
miséreux se pressaient autour de marmites pleines d’un brouet malodorant, mis à
bouillonner au-dessus de pauvres feux nourris de brindilles et de fumier séché.
Le sol des rues était recouvert d’une couche de boue laissée par les crues
incessantes du Tibre. Déchets et excréments obstruaient le ruisseau. Une
puanteur intolérable planait dans la forte chaleur estivale, attirant des nuées
de mouches, de rats et de vermine.
    — Par le
sang de Dieu ! grogna Gerold, tout près de Jeanne. Cet endroit est un nid
à peste !
    Jeanne
connaissait le sinistre visage de la pauvreté, mais jamais elle n’avait
contemplé misère aussi criante.
    Deux enfants se
tenaient accroupis autour d’un petit feu. Leurs tuniques étaient si usées qu’elles
laissaient voir la pâleur de leur peau. Leurs pieds étaient enveloppés de
chiffons répugnants. L’un d’eux, un petit garçon, était manifestement fiévreux.
Malgré la chaleur, il tremblait comme une feuille. Jeanne retira sa pénule de
lin et lui en couvrit les épaules. L’enfant, étonné, frotta sa joue contre la
riche étoffe, dont la caresse était plus douce que tout ce qu’il avait connu de
sa vie.
    Jeanne sentit qu’on
tirait l’ourlet de sa robe. La petite sœur du garçonnet levait vers elle ses
grands yeux ronds.
    — Es-tu...
un ange ? demanda-t-elle d’une voix fluette.
    — Je crois
plutôt que c’est toi qui es un ange, répondit Jeanne en effleurant son menton.
    Au fond du pot de
terre, un morceau de viande filandreuse et indéfinissable

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