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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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n’apparaît nulle
part dans les écrits des Pères. Elle doit donc être condamnée.
    — Devons-nous
condamner une idée au seul titre qu’elle est neuve ? intervint Jeanne.
    — En toutes
choses, répondit gravement Pothos, il convient de se laisser guider par la
sagesse des Anciens. La seule vérité dont nous puissions être sûrs est celle
qui a déjà été confirmée par le passé.
    — Tout ce
qui est ancien fut nouveau un jour, objecta Jeanne. Le nouveau précède toujours
l’ancien. Ne serait-il pas absurde de mépriser ce qui précède et de chérir ce
qui suit ?
    Pothos fronça les
sourcils, visiblement embarrassé par ce déploiement de dialectique. Comme la
plupart de ses pairs, il n’était pas formé au débat philosophique et se sentait
plus à son aise lorsqu’il citait quelque autorité.
    Une longue
discussion suivit. Jeanne aurait pu imposer sa décision par décret, mais elle
préférait la persuasion à la tyrannie. En fin de compte, les évêques se
rendirent à son raisonnement. La pratique de l’intinction serait conservée en
terre franque, du moins provisoirement.
    Le débat suivant
intéressa d’autant plus Jeanne qu’il impliquait son vieil ami Gottschalk, l’oblat
qu’elle avait un jour aidé à reprendre sa liberté. Selon le rapport d’un évêque
franc, il s’était de nouveau attiré de sérieux ennuis. Jeanne en fut attristée,
mais pas particulièrement surprise : Gottschalk avait toujours eu le don
de cultiver le malheur aussi assidûment qu’un amant poursuit sa maîtresse.
    Il était accusé d’hérésie.
Raban Maur, ancien abbé de Fulda promu au rang d’archevêque de Mayence, avait
eu vent des théories radicales qu’il prêchait en matière de prédestination.
Saisissant l’occasion pour prendre sa revanche, Raban l’avait fait emprisonner
et rouer de coups.
    Jeanne fronça les
sourcils. La cruauté avec laquelle certains chrétiens comme Raban Maur
traitaient leurs frères n’avait jamais cessé de l’étonner. Les Normands
semblaient leur inspirer moins de répugnance qu’un fidèle chrétien qui s’écartait
ne fût-ce que d’un pas de la stricte doctrine de l’Église. Pourquoi
réserverions-nous aux nôtres le sel de notre haine ?
    — En quoi
consiste la nature spécifique de cette hérésie ? demanda-t-elle à Wulfram,
le doyen des évêques francs.
    — En premier
lieu, répondit Wulfram, le moine Gottschalk affirme que Dieu a voué par avance
chaque homme soit au salut, soit à la perdition. Ensuite, que Christ n’est pas
mort sur la Croix pour tous les hommes, mais seulement pour les élus. Et enfin,
qu’un homme déchu ne peut faire aucun bien, si ce n’est par la grâce divine, ni
exercer son libre vouloir pour faire autre chose que le mal.
    Voilà qui
ressemble bien à Gottschalk, se dit Jeanne. De
nature pessimiste, il s’était senti attiré par une théorie qui prédestinait l’homme
au malheur. Mais ses idées n’étaient ni particulièrement hérétiques, ni même
particulièrement neuves. Saint Augustin en personne avait écrit exactement la
même chose dans deux grands livres, De civitate Dei etl ’Enchiridion.
    Personne dans
cette salle ne semblait s’en rendre compte. Même si tous vénéraient l’illustre
nom d’Augustin, aucun des évêques présents ne s’était apparemment donné la
peine de lire son œuvre.
    Nirgotius, évêque
d’Anagni, se leva pour prendre la parole.
    — C’est une
apostasie éhontée, car l’on sait fort bien que Dieu prédestine les élus, non
les condamnés !
    Le raisonnement
péchait par manque de rigueur, puisque la prédestination d’un groupe impliquait
la prédestination de l’autre. Mais Jeanne ne se donna pas la peine de relever
ce détail, car les idées que prêchait Gottschalk la gênaient elle aussi. Il y
avait un danger certain à induire les fidèles à croire qu’ils n’avaient aucune
chance d’obtenir le salut en s’efforçant de faire le bien. Pourquoi éviter le
péché si les dés étaient jetés d’avance ?
    — Je suis d’accord
avec Nirgotius, dit-elle enfin. La grâce divine n’est pas le fruit d’un choix
prédestiné, mais l’expression du pouvoir tout-puissant de l’amour du Seigneur,
qui illumine toutes les choses existantes.
    Les évêques
accueillirent cette déclaration avec chaleur, car elle s’accordait avec leur
propre pensée. Ils se prononcèrent à l’unanimité pour réfuter la théorie de
Gottschalk. À l’instigation de

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