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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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commençait à brunir.
Une très jeune femme aux cheveux jaunes et plats s’approcha d’un pas traînant. Venue
de la berge, elle portait un seau d’eau. La mère des enfants ? Elle-même
semblait à peine sortie de l’enfance : elle pouvait avoir seize ans tout
au plus.
    Son regard s’éclaira,
plein d’espoir, quand elle aperçut Jeanne et sa noble suite.
    — La
charité, bons pères, dit-elle en tendant une main calleuse. Vous me donnerez
bien une piécette pour le salut de mes petits ?
    Jeanne fit un
signe du menton à Victor, le sacellarius, qui plaça un denier dans la paume
ouverte de la jeune femme. Avec un sourire ravi, celle-ci déposa son seau pour
empocher la pièce.
    Jeanne
tressaillit. L’eau du seau était aussi noire que celle d’un égout. À n’en pas
douter, c’était cela qui avait rendu malade le petit garçon. Mais avec l’aqueduc
hors d’état, sa mère n’avait pas le choix. Il fallait puiser l’eau souillée du
Tibre ou mourir de soif.
    D’autres avaient
fini par reconnaître le pape et sa suite. Le peuple affluait de partout pour
saluer Jeanne, qui s’efforça de bénir autant de gens que possible. Mais la
foule continuait de grossir, et finit par l’encercler de si près qu’elle ne put
bientôt plus faire un geste. Gerold distribua des ordres. À coups d’épaule, ses
gardes ouvrirent un chemin au milieu des badauds, et le cortège pontifical
battit en retraite jusqu’à la Via Lata, d’où il remonta vers le ciel ouvert et
la brise saine de la colline du Capitole.
     
     
    — Il faut reconstruire
l’aqueduc de Marc, annonça Jeanne lors de sa réunion avec les optimates dès le
lendemain matin.
    Pascal, le
primicerius, haussa les sourcils.
    — La
restauration d’un édifice chrétien serait une façon plus appropriée d’inaugurer
votre règne, Votre Sainteté.
    — Le peuple
n’a pas besoin d’églises supplémentaires. Elles abondent déjà à Rome. En
revanche, un aqueduc en état de marche pourrait sauver des vies innombrables.
    — Le projet
est hasardeux, déclara Victor, le sacellarius. L’échec est possible.
    Il avait raison.
La reconstruction de l’aqueduc était une entreprise titanesque, voire
impossible, étant donné la pauvreté des moyens techniques disponibles. Les
manuscrits renfermant le savoir des Anciens en matière d’art de la construction
étaient perdus ou brûlés depuis plusieurs siècles. Les plans sur parchemin
avaient été effacés un à un pour être ensuite recouverts d’homélies chrétiennes
ou d’histoires de la vie des saints et des martyrs.
    — Essayons,
décréta Jeanne. Nous ne pouvons pas laisser ces pauvres gens vivre dans de
telles conditions.
    Les optimates
gardèrent le silence, non pour marquer leur approbation, mais parce qu’il eût
été politiquement malhabile de s’opposer au premier des prêtres alors que
celui-ci avait déjà une opinion visiblement arrêtée.
    — Qui
pensez-vous charger de la supervision des travaux, Votre Sainteté ? finit
par demander Pascal.
    — Gerold.
    — Le
superista ?
    — Qui d’autre ?
C’est lui qui a dirigé le chantier du mur léonin, auquel beaucoup, soit dit en
passant, ne croyaient pas davantage.
    Au cours des
semaines qui suivirent son sacre, la croissante mélancolie de Gerold n’échappa
pas à Jeanne. La situation était d’autant plus délicate, pour lui comme pour
elle, qu’ils se côtoyaient de façon quasi permanente. Mais du moins avait-elle
des devoirs à remplir et un sens aigu de sa mission. Gerold, lui, s’ennuyait.
Il tournait en rond comme une bête en cage. Elle le sentait sans qu’il fût
nécessaire de le dire. D’ailleurs, ni elle ni lui n’avait jamais eu besoin de
mots pour savoir ce que l’autre ressentait.
    Lorsqu’il vint la
trouver, elle lui fit part de son projet de reconstruction de l’aqueduc de
Marc.
    — À
proximité de Tivoli, dit-il, l’aqueduc s’enfonce sous terre et traverse une
série de collines. Si ce tronçon est très endommagé, sa réparation risque d’être
ardue.
    Jeanne sourit.
Les idées se bousculaient dans l’esprit de Gerold, déjà en train d’anticiper
les obstacles qu’il allait rencontrer.
    — Si la
chose est possible, dit-elle, je sais que tu es l’homme de la situation.
    — Es-tu sûre
de le vouloir ? demanda Gerold, dardant sur elle un regard empreint de
désir.
    Troublée, elle
refusa de montrer ses sentiments. Admettre leur amour, même en tête à tête,
serait

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