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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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six ans.
    — Mais
comment pourrait-il être élu ? Il est excommunié !
    — Arsène est
en train de pousser l’archiprêtre à revenir sur son excommunication.
    Consciente de la
gravité de la nouvelle, Jeanne fronça les sourcils. Après plusieurs années d’exil
à la cour impériale, Anastase était, plus que jamais, l’homme de l’empereur. S’il
était élu, Lothaire n’aurait aucun mal à faire main basse sur Rome et ses
provinces.
    — Il n’a
certainement pas oublié, ajouta Gerold, la façon dont tu es intervenue contre
lui lors de l’élection de Léon. S’il est élu pape, il sera dangereux pour toi
de rester à Rome. Anastase n’est pas homme à pardonner une offense.
    C’en était trop.
Jeanne, déjà ébranlée par la mort de Léon, sentit ses yeux s’emplir de larmes.
    — Ne pleure
pas, ma perle.
    Les bras de
Gerold se refermèrent sur elle, fermes, chauds, rassurants. Ses lèvres
effleurèrent la tempe de Jeanne, puis sa joue, soulevant sur leur passage une
vague de frissons sensuels.
    — Tu as
assez donné, Jeanne. Pars avec moi, et nous vivrons comme nous l’avons toujours
souhaité  – ensemble, unis à jamais, mari et femme.
    Levant lentement
les yeux, elle aperçut son beau visage tout près  – trop près  – du
sien. Il l’embrassa, et elle ne vit plus rien.
    — Dis-moi
oui, souffla-t-il. Dis oui, Jeanne.
    Comme happée sous
la surface de sa conscience, elle se sentit entraînée par un formidable courant
de désir.
    — Oui,
murmura-t-elle. Oui.
    Elle avait parlé
sans réfléchir, répondant d’instinct à la force de la passion de Gerold. Et
pourtant, dès que ce mot fut sorti de sa gorge, un calme extraordinaire s’empara
d’elle. Sa décision était prise. Elle lui paraissait à la fois juste et
irrévocable.
    Gerold se pencha
sur elle pour l’embrasser de plus belle. À cet instant, les cloches tintèrent
pour annoncer le repas de midi. Peu après, des voix et des piétinements s’élevèrent
dans la galerie, de l’autre côté de la porte.
    Gerold et Jeanne
se séparèrent avec des mots tendres, non sans s’être promis de se retrouver
après l’élection.
     
     
    Le jour de l’élection,
Jeanne alla se recueillir dans la petite église de la Schola Anglorum qu’elle
avait fréquentée à son arrivée à Rome.
    Ravagée de fond
en comble lors du grand incendie, elle avait été reconstruite au moyen de
matériaux arrachés aux temples et aux monuments de la Rome antique. En s’agenouillant
devant le maître-autel, Jeanne constata que son piédestal de marbre arborait le
symbole reconnaissable entre tous de Magna Mater  – la Grande Mère
 –, déesse de la Terre vénérée par les tribus païennes en des temps
immémoriaux. Sous le grossier symbole, elle lut, inscrit en latin : « Sur
ce marbre, de l’encens fut offert à la Déesse. » À l’évidence, ceux qui
avaient apporté ici ce grand bloc de marbre n’avaient déchiffré ni le symbole
ni l’inscription. Ce n’était pas particulièrement surprenant, car bien des
membres du clergé romain, sachant tout juste lire, étaient incapables de reconnaître
les anciens caractères, et encore plus de les interpréter.
    Jeanne crut voir
dans la juxtaposition incongrue de l’autel chrétien et de son support païen un
parfait écho de sa propre condition : prêtre ordonné, elle rêvait encore
aux dieux de sa mère ; homme aux yeux du monde, elle était tourmentée en
secret par des désirs et un cœur de femme ; à la recherche de la foi, elle
était déchirée entre aspiration à connaître Dieu et sa peur de découvrir qu’il
n’existait pas. Raison et cœur, foi et doute, volonté et désir... Les
douloureuses contradictions de sa nature seraient-elles un jour résolues ?
    Elle aimait
Gerold. La cause était entendue. Mais pouvait- elle l’épouser ? N’ayant
jamais vécu en femme, était-elle capable de commencer maintenant, au crépuscule
de sa vie ?
    — Aide-moi,
Seigneur, pria-t-elle à mi-voix, levant les yeux vers le crucifix d’argent qui
dominait l’autel. Montre-moi la voie, dis-moi ce que je dois faire. Mon Dieu !
Élève-moi dans Ton éblouissante lumière !
    Seules ses
paroles s’élevèrent dans l’abside. Son esprit, lui, resta prisonnier au ras du
sol, écrasé par le poids de ses doutes.
    Une porte grinça
dans son dos. Elle se retourna, vit une tête apparaître dans l’embrasure et se
retirer tout aussi vite.
    — Il est ici !
cria une voix.

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